Intervention de Jeanine DUBIÉ, Députée des Hautes-Pyrénées
Mardi 17 février 2015
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur de la Commission des lois,
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs pour avis,
Mes chers collègues,
Modifier l’organisation institutionnelle de notre République pour la rendre plus efficace, moins coûteuse et plus en adéquation avec les attentes citoyennes, voilà un objectif que nous partageons nombreux sur tous les bancs. Mais cet objectif pour qu’il soit consensuel, se devait de tenir compte des différents visages de la France.
La France est riche de ses territoires, de ses paysages, de sa géographie, de ses caractéristiques rurales et urbaines, de plaines ou de montagne, réalité qui, hélas, a totalement été oubliée dans l’élaboration des différents textes concernant la réforme institutionnelle.
Et ce projet de loi concernant la Nouvelle organisation territoriale de la République n’échappe pas à ce travers. Nous attendons donc avec impatience cet examen qui va nous permettre, de connaitre les véritables intentions du Gouvernement et vous donner, Madame la ministre, l’occasion de préciser le fil conducteur de votre réforme.
Nous sommes en effet convaincus de la nécessité de repenser l’action de nos collectivités territoriales, au travers d’une clarification des compétences et de la simplification de l’action administrative, au service de l’efficience des politiques publiques locales.
Ce projet de loi a été présenté le 18 juin dernier, quelques jours seulement après l’annonce de la suppression des Conseils généraux à l’horizon 2020. Il visait alors à dévitaliser progressivement les départements.
Depuis, le Gouvernement a changé son fusil d’épaule en actant le maintien des Conseils départementaux, mais le texte est resté inchangé. Pire encore, le travail effectué par nos collègues sénateurs, consistant à rééquilibrer le texte, au regard de la nouvelle orientation gouvernementale, en matière de répartition des compétences entre collectivités territoriales, a été purement et simplement ignoré lors des travaux en Commission des lois, car au fur et à mesure des amendements, nous sommes revenus quasiment au texte initial.
Nous le déplorons et nous sommes encore plus interrogatifs sur les intentions gouvernementales en la matière.
Alors que le Gouvernement s’apprête à agrandir notablement les régions, nous considérons que l’échelon
départemental conserve toute sa pertinence, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne.
Le département est un échelon incontournable en matière de développement local, de solidarité territoriale et de solidarité sociale. Depuis longtemps, les conseils généraux construisent et entretiennent des collèges, des routes, aident les personnes âgées, accompagnent les publics en difficulté sociale et professionnelle, compensent le handicap, organisent les transports.
Ils apportent un soutien financier aux communes et aux intercommunalités pour la réalisation de leurs projets. Au travers de ces investissements, ils soutiennent l’activité du secteur de l’artisanat, du BTP. Plus de 53% de l’activité du secteur des travaux publics relève de la commande publique locale. Il est utile de le rappeler.
Depuis des années, les conseils généraux innovent et expérimentent dans un contexte budgétaire contraint. Il est profondément regrettable, que tout ce travail de proximité qui a largement contribué à limiter les effets des inégalités et fractures territoriales, produites par le désengagement de l’Etat, depuis plusieurs années, en matière d’éducation, de santé, de services publics ne soit pas reconnu, voire mésestimé.
C’est pourquoi, en cohérence avec la réforme de la carte des régions qui agrandit leur périmètre d’intervention, nous serons attentifs à ce que les départements conservent les moyens d’assurer les services de proximité auprès des populations.
En tant que députée des Hautes-Pyrénées, territoire fortement concerné par l’économie touristique, j’aurai également à coeur de préserver dans sa totalité la compétence partagée en matière de tourisme.
Au cours de nos débats, nous veillerons également à protéger la démocratie de proximité à laquelle nous sommes profondément attachés. A l’heure où l’éloignement entre les élus et les citoyens est de plus en plus important, nous attendons de cette réforme qu’elle redonne toute sa place aux territoires, aux élus locaux et aux populations qui se sentent parfois délaissées.
Chers collègues, vous le savez, dans quelques semaines se tiendront des élections départementales. Nous avions porté la possibilité de déplacer l’examen de ce texte après les élections départementales mais nous n’avons pas été entendus, mettant ainsi les candidats à cette élection dans une situation particulièrement inconfortable et dans une grande difficulté pour mobiliser les citoyens, sans savoir ce qu’il adviendra véritablement des Conseils départementaux et de leurs compétences.
Alors que les dernières élections locales ont été marquées par une forte abstention et par la montée des extrêmes, nous devons garder à l’esprit que légiférer dans de telles conditions encourage le désintérêt à l’exercice démocratique.
En ce qui concerne l’intercommunalité, le regroupement des EPCI doit se faire en tenant compte des bassins de vie, qui doivent s’entendre comme le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. On a déjà des cantons, le plus souvent en décalage total avec les intercommunalités ce qui est dommageable et incompréhensible pour les citoyens, n’accentuons pas encore cet état de fait.
Vouloir à tout prix introduire un seuil démographique à 20000 habitants démontre d’une méconnaissance avérée de la ruralité et conforte la déprise démocratique. J’ai toutefois bien noté qu’un amendement du rapporteur introduisant la notion de densité au km2 atténuera dans certains cas ce seuil mais ne répondra pas à la situation des départements alliant grosses agglomérations et hyper ruralité.
Vous l’avez compris, les députés du groupe RRDP attendent beaucoup du débat en séance publique, car en l’état, ce texte n’est pas acceptable.
Je vous remercie.