Question
publiée au JO le : 23/10/2012 page : 5831
Réponse
publiée au JO le : 02/04/2013 page : 3538
Texte
de la question
M.
Joël Giraud attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de
la défense, chargé des anciens combattants, sur les problèmes rencontrés par la
communauté des Français d'Algérie et d'outre-mer. D'une part, l'indemnisation
promise n'a jamais été réglée sauf par trois lois de contribution nationale à
hauteur de 40 % valeur 1962 des biens spoliés, et versée trente ans après.
D'autre part, depuis 1980, les dossiers de réinstallation n'ont jamais été définitivement
réglés, les différentes commissions qui se sont succédé (CRAP, CODEPRA, CODAIR,
CNAIR) n'ayant apporté qu'une réponse provisoire au problème. Enfin, depuis
janvier 2012, le Conseil constitutionnel a abrogé l'article
100
de la loi de finances pour 1998 qui instituait une suspension des poursuites au
bénéfice des rapatriés. Depuis lors, cette communauté attend la promulgation
d'un nouvel article 100 qui mettrait fin aux injustices actuellement vécues et
à ce qu'elle considère comme une nouvelle spoliation, cinquante ans après. Dans
le but de répondre à l'ensemble des Français d'Algérie et d'outre-mer, il lui
demande de bien vouloir lui préciser ses intentions sur ce dossier et les
mesures qu'il entend prendre en faveur de cette communauté.
Texte
de la réponse
L'État
a décidé de faire jouer la solidarité nationale pour accueillir les rapatriés,
satisfaire leurs besoins vitaux et assurer leur réinstallation sur le
territoire métropolitain, en mettant en place un ensemble de mesures en matière
d'accueil et d'indemnisation qui ont concerné près de 80 % de familles
rapatriées, et dont le coût, estimé en valeur actualisée, s'élève à plus de 30
milliards d'euros. S'agissant des mesures d'indemnisation des biens spoliés, le
même objectif social a prévalu.
Les principes en ont été fixés par la loi n°
70-632 du 15 juillet 1970 qui a été complétée notamment par la loi n° 78-1 du 2
janvier 1978 instituant un complément d'indemnisation, la loi n° 82-4 du 6
janvier 1982 qui a prévu, sous conditions de ressources, une indemnisation
forfaitaire du mobilier perdu outre-mer, ainsi que la loi n° 87-549 du 16
juillet 1987 dont l'article 1er accorde une indemnité complémentaire aux bénéficiaires
de la loi du 15 juillet 1970. Les principes posés par la loi du 15 juillet
1970, à ssavoir le caractère social et forfaitaire de l'indemnisation et donc
son plafonnement, démontrent que le législateur n'a pas souhaité une indemnisation
intégrale des biens perdus. Il reste que les sommes destinées à l'indemnisation
dans le cadre des lois de 1970, 1978, 1982 et 1987 s'élèvent à plus de 14 milliards
d'euros en valeur actualisée, auxquelles il convient d'ajouter celles liées à
la mesure de restitution des sommes prélevées sur les certificats
d'indemnisation, instituée par l'article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février
2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur
des Français rapatriés. Par ailleurs, il doit être précisé que le législateur a
fait le choix d'exonérer fiscalement les différentes indemnités accordées aux
Français rapatriés, et de ne pas les entrer dans l'actif successoral des
bénéficiaires. Pour ce qui concerne particulièrement la situation des rapatriés
qui exerçaient outre-mer une activité professionnelle non salariée, ces personnes
se sont effectivement réinstallées en métropole dans des conditions souvent
précaires qui les ont contraintes à s'exposer à un haut niveau d'endettement.
Les diverses mesures prises en leur faveur par les pouvoirs publics, telles des
remises de prêt ou des prêts de consolidation, n'ont permis de répondre que
partiellement à leurs difficultés économiques et financières. Aussi, les
pouvoirs publics ont-ils mis en place un dernier dispositif de désendettement
au bénéfice de ces personnes qui, exerçant une profession non salariée ou ayant
cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontraient de
telles difficultés les rendant incapables de faire face à leur passif. Ainsi,
le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 a institué une Commission nationale de
désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée,
organisme collégial, composée d'un magistrat honoraire à la Cour des comptes,
d'un représentant du ministre chargé des rapatriés, du préfet du département et
d'une représentation des rapatriés. La commission nationale a reçu mission, dans
un premier temps, de se prononcer sur l'éligibilité des 3 145 demandes formulées
au titre de ce dispositif de désendettement puis, dans un second temps,
d'émettre un avis sur les plans d'apurement déposés par les 727 demandeurs
déclarés éligibles, ainsi que sur l'octroi éventuel d'une aide exceptionnelle
de l'Etat nécessaire à leur finalisation.
Afin d'assurer l'efficacité du
dispositif de désendettement des rapatriés, le législateur a institué un régime
de suspension des poursuites ayant pour objet de permettre une négociation
amiable réelle et sérieuse entre le débiteur et le créancier, tout en
maintenant intacte l'obligation du rapatrié débiteur à l'égard du créancier, et
se limitant à reporter l'exigibilité de sa dette. Aux termes de l'article 100
de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, modifié par
l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative
pour 1998, les personnes ayant sollicité le bénéfice du dispositif de
désendettement en cause pouvaient ainsi bénéficier de la suspension provisoire
des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative
compétente ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de
l'instance juridictionnelle compétente. Dans sa décision n° 2011-213 QPC du 27
janvier 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré effectivement ces
dispositions contraires à la constitution en considérant notamment que « compte
tenu de l'ancienneté des faits à l'origine de ce dispositif (de désendettement)
ainsi que de l'effet, de la portée et de la durée de la suspension des poursuites
qui ne s'applique pas seulement aux dettes liées à l'accueil et à la
réinstallation des intéressés, les dispositions contestées méconnaissent le principe
des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une
procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ».
L'abrogation de la suspension des poursuites a pris effet à compter de la date
de publication de la décision au Journal officiel de la République française,
soit le 28 janvier 2012, et est applicable aux instances non jugées
définitivement à cette date, mais ne remet pas en cause le dispositif de
désendettement des rapatriés réinstallés.
Par ailleurs, plusieurs mesures,
toujours en vigueur actuellement, permettent l'effacement des prêts liés à la
réinstallation au titre de l'article 44 de la loi n° 86-1318 du 30 décembre
1986 de finances rectificative pour 1986 et la sauvegarde du toit familial dans
le cadre des dispositions du décret n° 2007-398 du 23 mars 2007. Au-delà des
éléments qui précèdent, le ministre délégué auprès du ministre de la défense,
chargé des anciens combattants souhaite préciser que la situation actuelle des
rapatriés est suivie avec la plus grande attention par le Gouvernement.
C'est
ainsi qu'à la demande du Parlement, le Gouvernement lui remettra, au plus tard
le 1er juin 2013, un rapport sur l'application de la loi n° 2005-158 du 23
février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur
des Français rapatriés, conformément aux dispositions de l'article 99 de la loi
n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Il permettra de faire
notamment un bilan des mesures prises en faveur des harkis et des rapatriés et
d'en tirer toutes les conclusions nécessaires.