Article extrait de la revue : Décider et entreprendre. La Voix des Entreprises du 25 octobre 2016
Nous vous proposons de revenir sur les moments forts des débats sur la taxe sur la transaction financière (TTF) de ce mercredi 19 octobre dès la séance de questions au gouvernement, puis lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017.
Une TTF au niveau européen
Lors de la séance de questions au gouvernement, le député PS de Val-de-Marne, Jean-Luc Laurent, s’est montré impatient sur la mise en place d’une taxe européenne sur les transactions financières :
« Il y a quelques jours, à Luxembourg, en marge de l’Eurogroupe, les ministres des États volontaires pour mettre en place, dans le cadre d’une coopération renforcée, une taxe européenne sur les transactions financières ont tenu une réunion importante et constructive. Dans une Europe qui nous habitue au pire, c’est une bonne nouvelle, même si le processus est extrêmement lent ».
Il a alors annoncé que « cette perspective européenne très tardive ne doit pas nous interdire de prendre des initiatives nationales ».
Le ministre de l’Économie et des Finances, Michel Sapin, lui répond en rappelant d’abord une déclaration du Président de la République : « à une époque marquée par la mondialisation, nous avons besoin d’une taxe sur les transactions financières qui soit la plus large possible ». En tant que participant aux débats au niveau européen, il a rassuré que « le 10 octobre dernier, à Luxembourg (…), les dix pays qui travaillent ensemble (…) se sont explicitement mis d’accord sur les principes » ; que « l’assiette sera extrêmement large » et que « la Commission européenne soumettra des propositions extrêmement précises, juridiquement opérationnelles, d’ici à la fin de cette année ».
Dans la foulée, M. Jean-Luc Warsmann lance que « Pour taxer, les socialistes sont toujours là ! ». No comment.
50% de hausse et assiette élargie aux transactions «intraday» pour la TTF française
Coïncidence ou coup préparé ? La taxation des transactions financières a fait l’objet de 25 amendements visant l’intégration des transactions « à haute fréquence » dans l’assiette de la TTF et l’augmentation du taux à 0,3% à partir de 2017 contre 0,2% aujourd’hui. Durant le précédent quinquennat pourtant, ce taux était de 0,1%. Rappelons que les transactions intrajournalières sont celles initiées et dénouées sur un même titre en cours de journée et en même temps jugées spéculatives et facteurs de risque sur les marchés financiers.
Romain Colas ouvre le bal en soutenant son amendement visant à ajouter les transactions journalières à l’assiette de la TTF. Il entend ainsi « réguler la finance, notamment spéculative, et permettre à notre pays de dégager de nouvelles marges de manœuvre grâce à ce financement innovant pour financer l’aide publique au développement ».
Pour sa part, M. Joël Giraud avance qu’ « à défaut d’agir sur l’assiette dans l’attente d’un texte européen », il faut au moins « augmenter le taux de la taxe » pour le « faire passer à 0,3 % ». Au cours de la discussion, les arguments s’enchainent et se ressemblent, prônant deux objectifs : « avoir des recettes supplémentaires pour financer l’aide au développement et limiter ces transactions déstabilisatrices » comme l’a affirmé M. Éric Alauzet.
Michel Sapin, lui, s’oppose à certains amendements, mais partage les idées de fond. Selon lui, il vaudrait mieux attendre la TTF européenne : « créer une taxe sur les transactions financières dans un seul pays serait inefficace, en particulier pour des mouvements totalement internationalisés sur les obligations et surtout les produits dérivés – les actions étant émises dans un pays, il n’y a pas de danger de délocalisation. D’où la nécessité de travailler d’abord au niveau européen, puis peut-être international ». Il ajoute que l’« on peut toujours voter l’inclusion des mouvements intraday, mais cela ne rapportera pas un sou à l’État » et que cela « aboutirait à un dispositif sans aucune efficacité ». Le ministre de l’Économie est toutefois favorable à l’augmentation du taux de TTF pour arriver à 0,3%.
Enfin, pour M. Nicolas Sansu, « cette taxe a un rôle de salubrité publique, et c’est l’honneur de la France que de porter l’étendard de ce combat » et que « cela fait trop longtemps que l’on nous explique qu’il faut attendre demain, voire après-demain ».
Que disent les détracteurs de la TTF française ?
Jean-François Mancel était le premier à avoir émis des doutes sur la pertinence de l’élargissement de l’assiette de la TTF. Selon lui, « il faut s’adapter à une situation nouvelle », notamment le Brexit qui inciterait les opérateurs financiers à rejoindre l’Europe continentale. Cela expliquerait les efforts de l’État, la Ville de Paris, la région Île-de-France et la métropole du Grand Paris à attirer ces investisseurs vers la place financière de Paris. Il ajoute qu’ « en augmentant ou en étendant la taxe sur les transactions financières, nous inciterons ces opérateurs financiers à filer directement à Francfort : ils ne viendront certainement pas à Paris dans ces conditions ». Son dernier argument ? Son soutien à une TTF au niveau européen.
Pour M. Charles de Courson, « la TTF n’est pas sérieuse : elle ne sert qu’à amuser la galerie ». Il rejoint ensuite les arguments de M. Mancel en disant qu’avec une augmentation du taux de la TTF, « ceux qui spéculent peuvent le faire aussi bien à Paris, à Francfort, qu’à Londres, New York ou ailleurs ».
Le troisième député contre le dispositif sur les TTF est Mme Marie-Christine Dalloz qui accuse une « disposition qui relève purement du suicide collectif ». Elle veut effectivement que « des sièges sociaux se relocalisent » avec les éventuelles conséquences « colossales » du Brexit ».
Ils en veulent toujours plus…
Comme si l’élargissement de la TTF aux « intraday » et l’augmentation du taux de l’ordre de 50% ne suffisaient pas, certains députés ont encore voulu faire passer ce taux à 0,5%. C’est le cas de Mme Danielle Auroi qui a proposé au nom de la commission des affaires européennes « calquer » la TTF « sur le système de stamp duty, qui est déjà pratiqué au Royaume-Uni, dont le taux est de 0,5 % ». Dans le même registre, M. Cherki est aussi pour l’adoption d’un taux de 0,5 %, identique à celui du system duty adopté au Royaume-Uni.
Jean-Marc Germain, quant à lui, veut « élever le taux de 0,2 % à 0,5 % afin que la taxe sur les transactions financières rapporte 1,2 milliard de ressources supplémentaires, donc 750 millions de plus pour l’aide au développement ». Les mêmes arguments ont été émis par M. Jean-Luc Laurent qui souhaite avancer « sans attendre la taxe européenne ».
À l’issue des discussions, les députés ont adopté 8 amendements identiques sur l’intégration des transactions intraday dans la TTF (83, 229, 251, 263, 515, 664, 675 et 781) et 3 amendements identiques sur l’augmentation du taux de la TTF à 0,3% (239, 724 et 784). Un autre débat subsiste toutefois sur les questions d’affectation des produits de cette nouvelle TTF. Le gouvernement veut notamment financer l’aide publique au développement par l’effort budgétaire de l’État alors que les députés souhaitent utiliser la nouvelle TTF pour ce poste.
Quoi qu’il en soit, une assiette élargie et un taux plus élevé de la taxe sur les transactions financières permettent à l’État d’obtenir des euros supplémentaires. Mais quid de la compétitivité de la France en termes d’investissement ?