Le député des Hautes-Alpes vient d’adresser une question écrite au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'avenir des professions réglementées.
Au-delà des questions qui préoccupent directement les professionnels de ces secteurs, notamment en ce qui concerne la baisse de la qualité du service rendu au citoyen ou encore l’ouverture à la concurrence exigée par Bruxelles, Joël Giraud y voit la mise en péril d’un maillage territorial qui a prouvé son efficacité.
Après le désert médical qui touche nos zones rurales et de montagne, c’est aujourd’hui la menace d’un désert juridique et pharmaceutique qui pèse sur des départements comme le nôtre. Les zones rurales seraient de toute évidence les premières touchées par des fermetures d’études, les notaires iront s'installer dans les régions les plus peuplées leur garantissant un minimum de clientèle. C’est également la pérennité des pharmacies dans les villages et les zones les plus reculées qui est aujourd’hui menacée. Et cela risquerait de mettre à mal les maisons de santé qui nécessitent une pharmacie de proximité.
Le député des Hautes-Alpes a donc demandé au ministre de bien vouloir repenser les termes de ce projet de réforme et de mettre en place une concertation approfondie avec les professionnels concernés afin de préserver un maillage territorial équilibré et de garantir un maximum de sécurité pour les patients et les usagers.
Le texte de la question écrite posée :
M. Joël GIRAUD appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'avenir des professions réglementées et les propositions de modifications de leurs statuts récemment annoncées, particulièrement en ce qui concerne les notaires et les pharmaciens, deux professions fondamentales dans l’équité du maillage territorial français. Si la question de l’évolution de l’organisation de ces métiers à l’aube du XXIe siècle peut réellement être posée, il convient de ne pas les vider pour autant de leur substance. En effet, ces professionnels ont démontré leurs compétences acquises à l’issue de nombreuses années d’études au cours desquelles ils se sont spécialisés dans leur domaine d’expertise respectif.
En ce qui concerne les notaires, le projet prévoit que certains actes, jusqu'ici monopole des notaires en tant qu'officiers ministériels nommés par l'État, pourraient être rédigés par d'autres professionnels du droit. Dans cette optique on se dirigerait de toute évidence vers un système à la mode anglo-saxonne où, faute de sécuriser en amont les actes et les procédures, on verrait fleurir les procès et les contestations. Dans ces pays, faute de sécurité juridique, la validité d'un acte sur trois est remise en cause. Le notariat est un art régi par des règles précises et des textes de lois. Cependant, la théorie est nourrie par une expérience de terrain et une pratique empirique forgée par des réponses précises apportées à des situations complexes exigées par une excellente maitrise des sciences humaines. Ce projet, qui vise à rendre du pouvoir d’achat aux français, aboutirait ainsi à l’inverse de l’objectif fixé par le gouvernement car les nombreux litiges qui en découleraient grèveraient profondément le budget de nos concitoyens sans compter que ceux qui pourront le mieux se défendre seront ceux qui en auront réellement les moyens. Face à l’évolution de la société, dans des situations familiales rendues de plus en plus complexes et délicates par l’extension de la famille recomposée, particulièrement en matière successorale, le rôle de conseil de famille jusqu’à ce jour confié au notaire se trouverait alors totalement vidé de sens. Pour preuve, l’acte de notoriété qui était à l’origine effectué en mairie est, depuis la réforme du droit successoral de 20007, la seule compétence du notaire en raison justement des difficultés à garantir la filiation.
Par ailleurs, il est à souligner également que le modèle français s’exporte, les notaires français servant de modèle notamment aux professionnels installés en Afrique et en Asie, ce qui n’est nullement le fruit du hasard.
En ce qui concerne l’ouverture à la concurrence, il conviendrait d’étudier cette hypothèse au sein même de la profession ce qui permettrait de répondre aux exigences de l’Union Européenne en matière de liberté d’installation tout en sécurisant ce secteur.
Quant à la question du montant des honoraires, si des aménagements peuvent être apportés, il convient de garder en mémoire cependant d’une part que 85% de taxes perçues par les notaires sont reversées à l’Etat et d’autre part que la réforme concernent les 9 500 notaires français mais également les 50 000 salariés des études et qu’il s’agit là d’un secteur entier de l’économie qui se trouve menacé. Les zones rurales seraient les premières touchées par des fermetures d’études, les notaires n'ayant en ce cas que le choix d'une installation dans les zones les plus peuplées leur garantissant un minimum de clientèle.
Le volet de la réforme relative aux officines de pharmacies est tout autant source d’inquiétude. L’équilibre économique des pharmacies étant fragile, les nouvelles mesures de dérèglementation de cette profession (sortie de certains médicaments du monopole, numérus clausus...) ne contribueraient qu’à la fermeture de trop nombreuses officines provoquant la désorganisation du maillage géographique notoirement efficace, en matière de santé. Ces projets mettent en péril non seulement l’égalité d’accès aux médicaments mais également l’activité, voire la pérennité des pharmacies dans les villages, les quartiers et les zones les plus reculées. Les règles d’installation ont été prises afin de protéger la population. Elles permettent d’avoir actuellement un accès aux médicaments sans avance de frais quelle que soit la situation géographique et sociale des patients. Ces règles ont montré leur efficacité, alors que persistent de nombreuses difficultés pour avoir la même homogénéité d’offre de soins pour les autres professionnels de santé. La proposition de mise en place de médicaments à prescription médicale facultative en grande surface, médicaments les plus prescrits par les médecins et les plus utilisés dans les hôpitaux, remet en question les règles d’autorisation de mise sur le marché, de pharmacovigilance et de lutte contre la contrefaçon.
Aussi, face à l’enjeu que représentent ces professions en matière d’aménagement du territoire, devant la menace de voir s’accentuer le désert médical et de lui voir succéder un désert juridique, il lui demande de bien vouloir repenser les termes de ce projet de réforme et de mettre en place une concertation approfondie avec les professionnels concernés afin de préserver un maillage territorial équilibré et de garantir un maximum de sécurité pour les patients et les usagers. Il souhaite connaître les intentions du gouvernement à ce sujet.