Joël Giraud a reçu de très nombreux courriels concernant la proposition de loi relative aux certificats d’obtention du végétal.
Il comprend et partage les inquiétudes quant à l’avenir des semences de fermages. En effet, ce texte prévoit d’interdire les semences de fermes dans certains cas et de prélever des royalties dans d’autres. Cette proposition de loi porte donc atteinte à une liberté fondamentale des agriculteurs, celle de ressemer librement.
Retrouvez, ci-dessous, le courrier de réponse que Joël Giraud a adressé aux pétitionnaires l'ayant interpellé à ce sujet, que vous pouvez également télécharger ainsi que sa question écrite au gouvernement :
Téléchargement Réponse type pétition rendre aux agriculteurs leurs droits sur les semences 081111
Téléchargement QEG du 031111 droits des agriculteurs sur les semences
J’ai bien reçu le texte de la pétition « Non aux royalties sur les semences de ferme » dont vous êtes signataire et je vous remercie d’avoir attiré mon attention à ce sujet, auquel je suis sensible.
Cette pétition fait suite à la proposition de loi relative au Certificat d’Obtention Végétale adoptée par les sénateurs le 13 juillet dernier et sur laquelle les députés se sont prononcés lors de son examen à l’Assemblée nationale lundi 28 novembre 2011.
La question est importante, puisqu'elle concerne les obtentions végétales, qui constituent, comme vous le soulignez à juste titre, un enjeu essentiel pour notre agriculture et pour bien des territoires ruraux et agricoles.
Pendant des millénaires, les semences ont été, en effet, exclues du système marchand : les agriculteurs se les échangeaient. Cette pratique a permis l'évolution des variétés agricoles, leur sélection au regard des besoins du terrain, ainsi que, plus récemment, la sauvegarde de nombreuses variétés anciennes jugées sans intérêt par l'industrie semencière.
Avec l'arrivée de nouvelles techniques de sélections variétales, un nouvel acteur est apparu dans le monde agricole : le semencier. Celui-ci a voulu protéger ses innovations ; ainsi est né le certificat d'obtention végétale, version « allégée » du brevet, et qui s'en distingue, d'une part, par la procédure de reconnaissance d'une variété nouvelle expérimentée en plein champ, et, d'autre part, par la possibilité offerte à des tiers d'utiliser la variété pour en créer de nouvelles, ce que l'on appelle l'« exception du sélectionneur ».
La présente proposition de loi vise à adapter notre droit national et à permettre ainsi la ratification par la France de la convention UPOV de 1991, qui a apporté des modifications substantielles à la convention initiale de 1961.
Cette ratification s'est heurtée au conflit entre obtenteurs et agriculteurs sur les semences fermières. L'accord interprofessionnel sur les semences de blé tendre, conclu en 2001, a ouvert des perspectives plus favorables, sans pour autant régler le problème en son entier. Encore aujourd'hui, des agriculteurs sont menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur propre récolte, ce qui est inacceptable.
Faut-il rappeler que la totalité des semences industrielles sont issues des variétés sélectionnées par des centaines de générations de paysans sans que la moindre rémunération ne leur ait jamais été versée ? La multiplication d'une partie de la récolte à la ferme est aussi le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs et aux changements climatiques de plus en plus brutaux ; elle permet de répondre aux nécessités de l'agriculture locale.
Alors que la France a été pionnière dans la mise en place de ce COV ; il était paradoxal qu'elle n'ait pas adapté sa législation aux standards internationaux.
Aussi, une évolution législative apparaissait nécessaire et la présente proposition de loi met fin à une situation choquante : l'utilisation illégale, mais tolérée, des semences de ferme.
Le certificat d'obtention végétale protège ainsi la propriété intellectuelle et rend possible la rémunération du travail des chercheurs, ce qui est à la fois tout à fait légitime et nécessaire, dans un pays en pointe sur les obtentions végétales.
La juriste Marie-Angèle Hermitte explique ainsi qu’à l’inverse du système de la dépendance organisé par le brevet, « pour les obtenteurs, l’intérêt de maintenir les variétés végétales hors du champ des brevets, est de pouvoir continuer de sélectionner les plantes en utilisant les variétés des concurrents, quoiqu’elles soient protégées par un droit d’obtention végétale. Dans un système technique où le mécanisme d’innovation est cumulatif, il est conforme à l’intérêt collectif de la profession de pouvoir se « piller » mutuellement ».
En reconnaissant les efforts fournis par les entreprises pour créer ces variétés, le présent texte leur ouvre de nouvelles perspectives de marché. Nos entreprises, présentes dans le monde entier, doivent disposer des mêmes droits que leurs concurrents. C'est tout à fait normal.
Même si le texte reconnaît aux agriculteurs le droit de ressemer leur récolte et organise les modalités d'une indemnisation équitable des obtenteurs, toutefois, en l’état, ce texte ne me parait pas à même de garantir les conditions de l'équilibre entre obtenteurs et agriculteurs.
Je considère en effet, que la semence de ferme est une pratique incontournable pour faire face aux défis futurs et doit être reconnue comme un droit inaliénable de tous les agriculteurs !
Lors de l’examen de cette proposition de loi au Sénat en juillet dernier, les sénateurs radicaux de gauche ont choisi de ne pas soutenir le texte, considérant que la question des semences de ferme n’était pas réglée de manière satisfaisante.
Les députés du groupe Socialiste, Radical et Citoyen (SRC), auquel j’appartiens, ont également soutenu leur opposition aux termes du texte en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et avaient obtenu un report du vote en Commission afin de tenter de parvenir à une solution satisfaisante concernant le droit des agriculteurs à semer le fruit de leurs récoltes sans payer de droit aux obtenteurs.
Si nous jugeons tous que le certificat d’obtention végétale qui permet, contrairement au brevet, de protéger les variétés tout en les laissant libres d’accès pour de nouvelles recherches est une bonne formule, qui aurait pu nous conduire à soutenir ce texte, nous sommes toutefois résolument opposés au sort réservé aux semences de ferme tel que l’article 14 de cette proposition de loi le prévoit.
En effet, nous considérons que l’instauration d’une nouvelle taxe reviendrait à opérer un prélèvement supplémentaire estimé à environ 30 millions d’euros sur les revenus des agriculteurs, et ce sans compter l’augmentation du prix des semences commerciales qui résulterait d’une concurrence affaiblie des semences de ferme.
Par ailleurs, cette disposition accélère la concentration entre les mains de quelques grands groupes internationaux de la reproduction des espèces cultivées : la diversité génétique en agriculture, déjà considérablement mise à mal par l’obsession productiviste est donc toujours plus menacée.
C’est pourquoi nous avons voté une motion de rejet préalable sur ce texte et réitéré notre demande de soustraire la taxation des semences de ferme de ce texte, lors de son examen à l’Assemblée nationale, lundi 28 novembre.
En effet, pour un agriculteur, semer le fruit de ses récoltes sans avoir à payer une taxe aux obtenteurs est un droit fondamental, sur lequel nous ne souhaitions pas revenir.
Malheureusement, le gouvernement n’a pas souhaité modifier cette partie du texte et les amendements que nous avons proposés n’ont pas été adoptés.
Pour toutes ces raisons, les députés SRC ont donc voté contre ce texte.
J’espère par ces éléments avoir répondu à vos préoccupations et je reste à votre disposition pour toute autre information que vous jugerez utile.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes sincères salutations.
Joël GIRAUD
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