L’acte 2 de la loi Montagne fait l’unanimité chez les députés, pas chez les défenseurs de l’environnement
L’acte 2 de la loi Montagne a été adopté, ce mardi, par l’Assemblée nationale par 511 voix pour (une voix contre, celle de Jean Lassalle, et 15 abstentions parmi les écologistes, les députés FN, Ligue du Sud et Debout la France). Le texte doit désormais être discuté au Sénat. Outre les grands principes, réactualisés, sur la politique de montagne, le texte contient notamment des mesures pour mieux protéger et loger les saisonniers, favoriser l’accès à l’école ou permettre un meilleur accès au numérique et à la téléphonie mobile en montagne.
L’association des maires des stations de montagne salue « les avancées obtenues et appelle les sénateurs à poursuivre l’amélioration du texte. L’adoption définitive du projet de loi avant la fin de l’année est impérative pour la mise en œuvre de la dérogation au transfert de la compétence promotion du tourisme. »
« Nous avons su nous tendre la main », s’est félicité le ministre de l’Aménagement du territoire, Jean-Michel Baylet. Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a salué un moment « rare » et estimé que le texte avait permis des « avancées substantielles », en particulier en évitant de « pénaliser » les stations de ski. « Vous nous avez permis de progresser à la fois sur la question des offices de tourisme et sur celle des unités touristiques nouvelles (UTN), en trouvant le bon équilibre entre la nécessité d’une régulation et la reconnaissance du caractère concurrentiel de ce secteur », a relevé M. Wauquiez. Le Haut-Alpin (PRG) Joël Giraud y a vu « le meilleur moment de cette législature », saluant un vote qui exprime « une rareté, l’esprit de cordée en politique ». Selon lui, « de nombreuses circulaires que nous avions arrachées, comme à l’école, sont désormais inscrites dans le marbre de la loi ». La nouvelle présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), Marie-Noëlle Battistel (PS), s’est dite « heureuse », dans un « contexte politique parfois difficile », qu’un « visage apaisé du débat politique » puisse être montré avec ce texte.
Les nouveautés intégrées dans le projet de loi
Au cours des débats, 129 amendements ont été adoptés sur les 524 discutés, portant le projet de loi de 25 à 74 articles!
Le texte intègre la nécessité de veiller à ce que le principe d’égalité démographique puisse être adapté pour assurer une représentation équitable des territoires de montagne. Il en est de même pour l’usage partagé de la ressource en eau, ou la prise en compte des temps de trajet dans l’organisation scolaire en montagne (en accord avec le cabinet de la ministre de l’Education nationale). Dans le même esprit, les surcoûts spécifiques liés aux situations des territoires de montagne et les services que ces derniers apportent à collectivité nationale seront pris en compte dans les principes de dotation globale de fonctionnement.
Sur la santé, les députés ont adopté les amendements des rapporteures complétant le schéma régional de santé d’un volet de prise en compte des besoins de sante spécifiques aux populations des territoires de montagne et de temps raisonnable d’intervention des secours.
S’agissant des grands prédateurs et notamment du loup, le texte adopte un principe d’adaptation des moyens de lutte à la situation particulière de chaque massif. Les « zones de tranquillité », envisagées dans le texte initial, ont été réservées aux seuls parcs nationaux, avec la possibilité de créer des espaces de quiétude pour favoriser et protéger le développement d’espèces animales et végétales.
Sur le numérique, les amendements imposant la mutualisation des réseaux de téléphonie mobile entre opérateurs n’ont pas été adoptés. Le gouvernement avait d’ailleurs exprimé un avis défavorable. En revanche, l’amendement de M. Wauquiez stipulant que les opérateurs intègrent les réseaux d’initiative publique existants lors des déploiements d’accès à internet a, lui, été adopté malgré un avis défavorable du ministre et des rapporteures. Une priorité à la résorption des zones blanches en montagne a également été intégrée à la loi.
Sur l’emploi, la loi impose une expérimentation pour trois ans visant à adapter le dispositif de chômage partiel aux régies qui gèrent des remontées mécaniques.
Enfin, concernant le logement des saisonniers, deux mesures nouvelles sont adoptées : toute commune ayant reçu la dénomination de “commune touristique” doit désormais conclure avec les acteurs locaux du logement une convention pour le logement des travailleurs saisonniers ; les bailleurs sociaux peuvent prendre à bail des logements vacants et les sous-louer pour une période inférieure à 6 mois à des travailleurs saisonniers.
Enfin, sur la promotion touristique, les députés ont adopté la possibilité pour les « stations classées de tourisme » (ou en cours de classement) qui auront délibéré en ce sens avant le 1er janvier 2017 de conserver leur office municipal de tourisme, par dérogation au transfert de la compétence aux intercommunalités.
Sur la modification de la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN), un accord a été trouvé entre majorité/opposition et le gouvernement sur une procédure intégrée spécifique de mise en compatibilité des documents d’urbanisme nécessaires à la réalisation d’UTN. Cet accord a permis de parvenir à une validation de l’ensemble de la réforme de la procédure UTN prévue dans le projet de loi. La création ou l’extension d’une unité touristique nouvelle sont prévues, selon leur importance par le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme. Elles seront soumises à autorisation de l’autorité administrative lorsque la commune n’est pas couverte par un SCOT ou un PLU, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
Sur la réhabilitation de l’immobilier de loisir, un amendement des rapporteures, avec avis favorable du gouvernement, a été adopté, visant à imposer l’information des copropriétaires sur les ventes dans le périmètre d’une opération de réhabilitation de l’immobilier de loisir. Ces dispositions seront complétées par les mesures fiscales (« Censi-Bouvard ») réorientées vers la réhabilitation des résidences de tourisme qui doivent prochainement être adoptées dans le projet de loi de finances pour 2017.
« Une occasion ratée », selon France nature environnement
A l’opposé de cette quasi-unanimité, France nature environnement (FNE) estime que « ce texte, qui visait une meilleure adaptation des territoires de montagne aux nouveaux enjeux, est en fait une occasion ratée. Elaboré rapidement et sans concertation avec nombre d’acteurs concernés, ce projet comprend certes quelques dispositions utiles pour avancer dans le règlement de questions difficiles identifiées depuis longtemps. Il est en revanche quasiment muet sur les questions stratégiques majeures, elles aussi identifiées depuis longtemps : l’avenir des stations de sport d’hiver de basse et moyenne altitude menacées à court terme par le changement climatique (pour lesquelles les équipements en neige artificielle n’apportent qu’un palliatif de court terme, coûteux et à fort impact), l’équilibre économique d’une réelle diversification été-hiver face au recul de la fréquentation hivernale, la situation d’endettement de nombre de communes de montagne, les besoins de préservation d’un patrimoine naturel exceptionnel qui constitue la principale richesse des zones concernées. En bref, ce projet reste dans une vision de développement économique de court terme, sans permettre de faire face à des enjeux pourtant cruciaux. » Pour FNE, « le texte de loi donne la possibilité de réaliser d’importantes extensions des stations en discontinuité de l’existant, sans évaluation environnementale ni étude socio-économique dignes de ce nom, y compris dans des territoires où aucun document de planification urbaine n’a forcé les collectivités à réfléchir leur développement à long terme. »
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