Durant quinze jours, La Croix explore l’aménagement du territoire à travers les régions.
La cité alpine située en bout de ligne SNCF et entourée de cols présente des difficultés d’accès. Pourtant, des solutions existent à la fois par le train et par la route.
À 7 h 30, en ce petit matin ensoleillé, les voyageurs du Paris-Briançon échangent leurs impressions. Partis la veille à 21 h 22 de la gare d’Austerlitz, ils se réveillent devant les paysages somptueux du lac de Serre-Ponçon, à Embrun (Hautes-Alpes).
La ville la plus haute de France est un peu isolée
À 8 h 30, ils arriveront dans la ville « la plus haute d’Europe ». En attendant, ils commentent la bonne nouvelle : la veille, le ministre des transports Alain Vidalies a annoncé que le Paris-Briançon était maintenu pour trois ans, « faute d’alternative ». La ligne ne fermera donc pas d’ici à la fin 2017, contrairement aux autres lignes de nuit.
Il faut dire que la géographie somptueuse du Briançonnais tourne au casse-tête pour les élus et les aménageurs de tous ordres. Campée à 1 300 m d’altitude, la ville est aussi située à 15 km de la frontière italienne et sur la route des cols.
La ville de Briançon est située dans les Hautes-Alpes, près de la frontière italienne. / /
Elle est desservie au départ de Grenoble par la D1091, actuellement fermée du fait de l’effondrement du terrain au niveau du tunnel du Chambon en avril 2015 et qui ne sera rouverte qu’en fin d’été 2017. L’autre voie d’accès est la RN94 en provenance de Gap et à destination de l’Italie par le col du Montgenèvre.
Incontournable chemin de fer
« Le train reste absolument nécessaire. Certaines personnes n’ont aucune envie de conduire sur les routes de montagne enneigées », explique Joël Giraud, député (PRG) des Hautes-Alpes et maire de la commune de L’Argentière-La-Bessée, une petite ville de 2 300 habitants posée à flanc de montagne.
Cet ancien inspecteur des finances amateur de bons mots se bat inlassablement pour le désenclavement du Briançonnais. Avec le maintien du train de nuit, il a marqué un point.
Le train de nuit a ses ardents défenseurs
« Je vais repartir à la charge auprès du ministère en septembre, prévient-il avec une gourmandise amusée. Il nous faut obtenir un cahier des charges précis, avec des trains supplémentaires pendant les vacances, ainsi qu’un programme de rénovation des couchettes. Nous pouvons bien demander cela, car au fil du temps, nous avons beaucoup perdu. »
Un « Collectif de défense du train de nuit » est né autour de Bernard Liger et Robert de Caumont, ancien maire de Briançon. Selon lui, ce train n’a rien à envier aux TGV plus récents. « Il reste le moyen de transport le plus rapide, car il permet de gagner deux jours de vacances : vous partez le vendredi soir de Paris, vous êtes le samedi matin sur les pistes ! » « C’est aussi le moyen de transport le plus sûr pour les élèves pensionnaires ou les personnes âgées », renchérit un autre membre du collectif, Francine Dardenne, élue EELV de Briançon.
De nécessaires progrès
Pourtant, chacun déplore le manque de fiabilité technique de la ligne. Du coup cette année, pour la première fois, il y a eu plus de voyageurs entre la gare TGV d’Oulx (en Italie) et Serre-Chevalier qu’entre la gare de Briançon et Serre-Chevalier.
« Rendez vous compte, le train de nuit roule à 60 km/h de moyenne, soit moins vite que les trains à vapeur ! », s’étranglent Franck Gatounes, conducteur de train, et Gérard Martinez, régulateur, tous deux élus CGT. « Et il n’a circulé que 50 fois depuis janvier, principalement du fait de travaux sur les voies. » Ces deux passionnés, qui donnent de leur temps libre pour animer une micheline « artistique et culturelle » sur la ligne (1), y voient « l’épuisement de la politique de régionalisation ».
> À lire : Les trains de nuit sont-ils obsolètes ?
Ce modèle se heurterait à une évidence : Briançon est en bout d’une ligne qui traverse plusieurs régions. « Rhône-Alpes n’a pas forcément envie de payer des travaux sur une ligne qui dessert Provence Alpes Côte d’Azur. À l’inverse, les élus provençaux ne sont pas forcément très intéressés par les trains alpins. Bref, nous embêtons tout le monde. C’est pourtant à ce prix que les petites villes sont desservies. »
► La solution passe aussi par l’Italie
Le tunnel du Chambon étant fermé, les automobilistes redécouvrent celui du Fréjus. Seul problème : tout mineur doit posséder une autorisation de sortie du territoire signée par ses deux parents pour quitter le sol français, y compris pour emprunter le tunnel. Les enfants de couples divorcés, par exemple, sont concernés. Le député Joël Giraud compte demander une dérogation pour les régions frontalières.
La perspective de la future LGV Lyon-Turin, prévue pour 2029, alimente beaucoup d’espoirs. La gare italienne de Susa devrait alors devenir un nœud ferroviaire situé à 3 heures de Paris, 4 heures de Barcelone ou 5 heures de Londres. Or Susa est à 55 km de Briançon, qui espère donc une desserte de bus ou TER conséquente.
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