Le 23 juin, le peuple britannique a tranché. En votant en faveur d'une sortie de l'Europe à une courte majorité, ses citoyens ont ouvert un processus qui doit aller à son terme rapidement. Nous devons respecter ce choix qui doit être analysé non comme une fin en soi, mais comme le symptôme d'un mal plus profond.
La crise du récit européen
Ce mal, c'est celui de la crise du récit européen. Construite au lendemain de la guerre la plus meurtrière de son histoire, l'Europe a longtemps été le cadre le plus pertinent pour consolider la paix entre les nations. Depuis deux décennies, l'Europe est en crise. Une crise sociale mais aussi une crise politique. L'Europe est en crise car elle souffre d'un déficit de lisibilité de son action. Elle est en crise car elle souffre de son incapacité à trouver des solutions concrètes pour améliorer la vie des Européens.
Oui le danger est là et les risques de dislocation sont réels. Oui, les extrémismes et les populismes font peser sur l'Europe un danger que nous croyions écarté depuis des décennies. L'Europe est aujourd'hui au pied du mur. Elle est même à un tournant de son histoire.
Toutefois, ce vote ne doit pas être perçu comme une impasse pour le projet européen. Le Brexit ne marque pas la fin de l'idéal européen. Tout reste encore à faire. En effet, si aucune remise en cause sérieuse de la construction européenne telle qu'elle existe actuellement n'est engagée, si l'Europe n'est pas capable de remettre à plat les fondements de son existence, si l'Europe n'est pas en mesure de renouer avec les citoyens d'Europe et de répondre à leurs aspirations démocratiques, alors les peuples s'en détourneront définitivement.
Nous, dirigeants politiques nationaux, avons trop négligé l'idéal européen
Il serait trop facile de rejeter uniquement sur Bruxelles ou sur la "technocratie de l'UE" la responsabilité de ce vote. Nous, dirigeants politiques nationaux, avons sans doute trop négligé l'idéal européen dans notre action. Nous devons renouer avec l'idéal européen, avec le projet d'une Europe fédérale au service des peuples. Un peu partout en Europe s'élèvent des voix qui expriment le souhait de plus d'Europe, disant que l'Europe n'est pas le problème, mais bien la solution.
Churchill ne disait-il pas: "Nul ne peut être obligé d'aller plus loin qu'il ne le souhaite, mais nul n'a le droit de ralentir exagérément la marche des autres"?
L'Europe s'est construite autour d'un idéal de paix et de protection des libertés fondamentales. Elle doit investir pour relancer l'économie, investir pour sa jeunesse mais investir aussi pour la mise en œuvre de politiques publiques européennes. Je pense par exemple à la possibilité d'un corps volontaire européen d'agents publics (agents de la sécurité civile, garde-côtes) pour répondre à des urgences spécifiques. C'est à ces conditions que l'Europe pourra, à nouveau, incarner l'espoir d'un avenir meilleur.
Un noyau dur européen pour résister collectivement aux sirènes nationalistes
J'ai la conviction que l'Europe doit devenir une force politique et institutionnelle responsable. Le Parti Radical de Gauche a toujours été favorable à un véritable projet fédéraliste. Revoir l'ensemble des traités conclus par les 28 pays est sans doute prématuré. Toutefois, cela n'implique pas de rester spectateur.
Il est tout à fait possible de conclure, parallèlement aux traités existants, un nouveau traité intergouvernemental entre les pays de la zone euro qui le souhaitent et de constituer ainsi un noyau dur européen. Un noyau dur à vocation fédérale qui reposerait sur un partenariat renouvelé entre la France et l'Allemagne autour de la Défense, de l'Energie et des grands projets d'investissements.
Ce n'est qu'ainsi que nous parviendrons collectivement à résister aux sirènes nationalistes.
Ce n'est qu'ainsi que nous réussirons à redonner aux peuples la place qui doit être la leur en Europe.