Vous avez été nombreux à m'interpeller suite à mon billet d'humeur, publié sur mon blog et quelquefois repris (partiellement) dans la presse, relatif à la série d'accidents en montagne et intitulé "Près de 20 morts en 3 mois dans les Hautes-Alpes" et en particulier au dernier accident survenu à la descente du Col Emile Pic.
Né et habitant depuis toujours en montagne, je milite pour que la montagne ne soit pas cette image d'Épinal que l'on trouve trop souvent dans les salons parisiens et qui a conduit par exemple aux restrictions d'accès pour les mineurs accompagnés en refuge.
Et c'est parce que ce combat doit aboutir au mieux de la connaissance de la montagne qu'il faut réfléchir à l'image qui est donnée de la montagne et aux comportements qui s'y attachent.
C'est aussi parce que depuis le début de la saison, mes collègues maires et moi-même avons trop souvent attendu, dans des PC de secours, avec des familles angoissées qui savaient que les miracles sont rares, que j'ai, me semble-t-il, le droit de parler.
Parler y compris au nom de celles et ceux qui ne peuvent pas le faire ouvertement, ces secouristes pompiers, gendarmes ou policiers, qui, cette année ont eu la pire des tâches pour des sauveteurs : ne jamais ramener le plus souvent de vivants à leurs familles.
Tout le monde sait que si la montagne a tué cette année plus que d'autres dans les Hautes-Alpes c'est à cause d'un manteau neigeux tombé d'une manière très inhabituelle.
Quand un seul département compte la moitié des morts de la chaine alpine, ce n'est pas la faute à pas de chance, c'est la faute à des conditions nivo-météorologiques exceptionnelles. Et c'est là qu'il appartient à tous d'être plus vigilants que jamais, à renoncer plus qu'on ne l'a jamais fait à des randonnées et à des courses en montagne y compris lorsque l'on est amateur éclairé ou professionnel.
Lors de la visite du Secrétaire d'État aux Sports, à qui j'ai demandé de venir avant que l'on ne commence à songer, au Ministère de l'Intérieur, à des interdictions drastiques, j'ai déjà demandé aux stations, aux moniteurs de ski, d'arrêter toute publicité où l'on voit de magnifiques champs de poudreuse hors-piste, où l'on skie sans sac à dos, donc sans pelle, sans détecteur de victimes en avalanche , … Cela n'a pas rencontré un grand enthousiasme.
Aujourd'hui, oui, j'ai osé m'interroger sur certains professionnels de la montagne dans un pays corporatiste où chaque métier défend ses collègues, ......et cela a fait réagir. Parfois jusqu'à l'insulte.
Mais ne faut-il pas s'interroger face à de telles hécatombes ?
Je ne suis pas là pour juger, le Parquet de Gap fera en toute indépendance son travail.
Mais j'écoute, j'écoute plus que d'autres certains secouristes.
J'écoute le maire de Vallouise qui s'exprime en ces termes, lui qui n'est pas un homme avide de médias "Il y avait beaucoup de vent. Moi qui fais de l'alpinisme je ne me serais jamais aventuré. Une course en montagne, à cette époque ça se fait le matin. Mais là, à 14 heures le vent était le plus fort, je pense qu'ils ne connaissaient pas assez le terrain. En montagne il faut être humble, ça veut dire savoir refuser, et je pense que ces gens n'ont pas su refuser".
Et nul ne peut nier que les conditions météorologiques étaient particulières, notamment ce vent d'une violence telle que les secours ont pris d'énormes risques, que les survivants n'ont pu être évacués car les hélicoptères ne pouvaient pas évoluer dans ces conditions.
Et, nous le savons tous, au-delà des piégeuses plaques a vent , plus le vent est fort et moins la baisse de température est sensible. Un fort vent empêche le refroidissement nocturne. Et nous avons de plus vécu tout l'hiver dans un régime d'inversion de températures .
Ce qui génère un refroidissement nocturne faible sur les sommets et les pentes, surtout si elles sont raides.
Alors, oui, comme citoyen, comme haut-alpin de toujours mais aussi en responsabilité du Conseil National de la Montagne, je continue à penser que ce sont des comportements inconscients, non pas volontairement, mais parce que l'humilité manque parfois à tous les êtres humains, même s'ils sont aguerris, et que la tentation est trop grande lorsque l'on aime la montagne. Ce sont ces comportements paradoxalement souvent inconsciemment qui vont tuer la liberté en montagne et il n'y aura plus que la sanction comme pédagogie.
Ce qui justement est la pire des solutions.
Alors , au lieu de s'enfermer tous dans des certitudes, ne pouvons-nous pas tous nous demander pourquoi....simplement parce la vie est plus importante que tout.
Joël Giraud, président de la Commission Permanente du Conseil National de la Montagne
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