Question : Vous êtes particulièrement impliqué dans la réforme ferroviaire, vous êtes le député qui a le plus déposé d’amendements, d’ailleurs avec un certains succès en commission, pouvez-vous nous dire votre point de vue sur cette réforme que le grand public à du mal à comprendre ?
Joël GIRAUD : Il y a 17 ans, le gouvernement a mis en place une réforme schizophrène, séparer totalement le propriétaire des voies ferrées RFF, réseau ferré de France, en en faisant « une boite à dette », de la SNCF, confinée dans le rôle d’exploitant avec des aberrations du style de ne pas mettre sous tutelle de RFF le service infrastructures de la SNCF chargé de l’entretien des voies. Ces aberrations sont pour une large part responsables des désordres que nous connaissons ici sur la ligne des Alpes. Aujourd’hui le gouvernement propose de créer en fait une holding d’établissements publics qui s’appellera SNCF avec une tête et 2 établissements publics : SNCF RESEAU pour remplacer RFF en lui adjoignant le service infrastructures de la SNCF et SNCF MOBILITES, chargée de faire circuler les trains. C'est-à-dire une architecture qui a fait le succès de la Deutsche Bhan (DB) en Allemagne pour créer un groupe SNCF fort et puissant qui soit compatible avec les exigences de la Commission Européenne y compris sur les futures orientations (dites 4ème paquet ferroviaire) où la France et la l’Allemagne ont négocié ensemble le maintien de ce pôle public fort.
Question : Alors que dites-vous aux détracteurs qui pensent que ce nouveau dispositif est la porte ouverte à une privatisation sauvage ?
Joël GIRAUD : Ils se trompent car il suffit de regarder ce qu’a produit cette gouvernance en Allemagne pour constater que DB a été renforcée même si dans certains länder ou sur quelques lignes la concurrence existe et a plutôt dynamisé le réseau. On est aux antipodes de la loi qui avait privatisé les télécoms ou le gouvernement avait alors affiché qu’il fallait réduire à 30% la part de marché de l’opérateur historique France Télécom !
Il faut aussi dire qu’il y a une certaine hypocrisie. La SNCF assure 20% de son chiffre d’affaire dans le domaine concurrentiel hors de France, et la réciproque n’est pas vraie.
Mais l’enjeu du projet de loi n’est pas mis en concurrence c’est une réforme de gouvernance pour renforcer la SNCF et remettre de l’ordre.
C’est la raison pour laquelle le problème du stock de dette de RFF n’est pas traitée (40 milliards d’euros). Ce qui est traité c’est la non aggravation de la dette grâce à cette nouvelle gouvernance. En tous cas elle rapproche SNCF et RFF grâce à la création du groupe tout en restant euro compatible, c’est quand même ce que souhaitaient les syndicats et qui génère les réactions très positives de la CFDT et de L’UNSA.
Question : Concrètement, en commission, 45 de vos 61 amendements ont eu une issue favorable.
En quoi ce texte a-t-il été modifié ?
Joël GIRAUD : J’ai déjà rappelé que l’État devait jouer son rôle d’autorité organisatrice des transports pour les trains d’équilibre du territoire et notamment les trains de nuit. Au-delà j’ai réintroduit dans le texte la nécessité de l’intermodalité, le renforcement du « gendarme » du ferroviaire, l’autorité de régulation du ferroviaire, car ce système a besoin d’une autorité indépendante notamment sur la tarification des « sillons », c'est-à-dire le péage que doit payer tant la SNCF qu’un éventuel opérateur privé. Au sujet du volet social, l’amendement le plus significatif adopté l’a été à mon initiative ; il vise à permettre la mobilité des salariés entre toutes les entreprises du groupe public SNCF, ce qui est la reconnaissance d’une forme forte d’intégration et d’unicité.
A titre d’anecdote, un responsable syndical national m’a reproché d’avoir fait adopter cet amendement car il était pour lui un argument de sortie de grève qu’il aurait voulu négocier.
Cet amendement était donc important pour les salariés !
Question : Et sur le débat en séance, serez- vous aussi pugnace ? Et si oui sur quel thème ?
Joël GIRAUD : Prêt de 400 amendements ont été déposés pour la séance dont 80 à mon initiative. Beaucoup ont trait à la reconnaissance du rôle des Régions, qui sont en termes de représentativité et de droits, le parent pauvre de la loi alors qu’elles assument aujourd’hui la plus grande part du financement du ferroviaire.
Et puis, je vais également soutenir de nombreux amendements souhaités par les syndicats notamment la CFDT, mais pas seulement puisque certains sont communs au groupe communiste. Ils portent tant sur le social (comité central d’entreprise, régime d’assurance chômage unique, harmonisation des cadres des salariés hors statut…) que sur l’aménagement du territoire.
Question : Que diriez-vous aux cheminots aujourd’hui en grève ?
Joël GIRAUD : Que le projet de loi ne touche pas au statut des cheminots et mieux, qu’il prévoit une convention de branche pour les autres entreprises du secteur ferroviaire pour empêcher que le droit commun s’applique et éviter le dumping social !
Je crois qu’aujourd’hui le malaise vient surtout du fait que dans cette entreprise, tout le monde de la base au sommet avait l’esprit « cheminot » et que depuis un certain temps, ce monde a disparu et la confiance qui va avec aussi. C’est plus une réaction culturelle, oserai-je dire de peur, qu’une véritable analyse du texte qui conduit aujourd’hui à la grève. Mais en tout état de cause, on ne peut rester sur le « bordel » du système actuel.
Joël Giraud défendant en commission un de ses amendements aux côtés du président du groupe de la gauche démocratique et républicaine, André Chassaigne
vidéo de l'intervention : https://www.youtube.com/watch?v=K49No8SOzl4&feature=youtu.be
compte rendu : Téléchargement DG réforme ferroviaire 170614
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