Joël Giraud, membre de la Commission du Développement durable de l'Assemblée Nationale a assisté mercredi 30 mars à la présentation du rapport de MM. Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier, sur la mise en application de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
"Une ambition bridée" : c'est le titre qu'avaient initialement proposé les députés Stéphane Demilly (NC, Somme), et Philippe Tourtelier (SRC, Ille-et-Vilaine), auteurs du rapport sur la mise en application de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite Grenelle 1. Mais lors de la présentation de ce document devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale ce 30 mars, les députés ont préféré retenir une formule plus neutre : "Grenelle 1 : de l'ambition au réel". Car malgré les retards dans la mise en oeuvre de certains objectifs et les renoncements à certaines mesures phares comme la contribution climat énergie ou taxe carbone, tous ont convenu qu'il y avait bien "un avant et un après Grenelle 1". "Si l'on fait une lecture analytique par objectifs, on peut conclure que le texte était trop ambitieux par rapport au calendrier fixé, a convenu Stéphane Demilly. Mais on constate aussi une vraie révolution dans les têtes et les comportements de nos concitoyens, des chefs d'entreprise, des élus locaux. Ce n'est pas mesurable mais c'est quelque chose de très important." "Sur le terrain, l'élan du Grenelle est encore très présent. Mais il faut maintenant lui redonner un second souffle", a ajouté Philippe Tourtelier.
La rénovation des bâtiments existants à la traîne
Pour vérifier l'application de Grenelle 1, les rapporteurs ont passé au crible la loi Grenelle 2, conçue comme une boîte à outils destinée à mettre en oeuvre ses orientations mais aussi les récentes lois de finances de même que les dernières lois sur le transport et le logement. Chapitre par chapitre, article par article, ils rappellent les dispositions contenues dans le texte et font le point sur le suivi et la mise en oeuvre. Concernant la lutte contre le changement climatique (articles 2 à 22), ils notent que la réduction des consommations d'énergie dans le bâtiment est encore loin des ambitions de la loi.
Dans la construction neuve, il y a bien eu une anticipation des dates de mise en oeuvre de la nouvelle réglementation thermique. Mais la rénovation du parc existant est à la traîne. "Pour tenir l'objectif de réduction de 38% des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment d'ici à 2020, 400.000 logements doivent bénéficier d'une rénovation complète chaque année à partir de 2013 alors que l'on est aujourd'hui entre 250.000 et 300.000", a illustré Philippe Tourtelier. Autre motif d'inquiétude : les bâtiments publics. La loi prévoyait que les audits des bâtiments de l'Etat et de ses établissements publics devaient être achevés à la fin 2010 mais la moitié seulement des surfaces concernées ont bénéficié d'un diagnostic avant travaux. Quant à l'incitation à l'audit et à la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales (280 millions de m2 dont 150 millions de m2 pour les seules constructions scolaires), le rapport note que "les actions entreprises se bornent aujourd'hui à l'organisation de journées d'échanges et de partages d'expériences entre l'Etat et les collectivités territoriales organisées par les services déconcentrés du ministère chargé de l'écologie".
Les rapporteurs s'inquiètent aussi du retard pris dans la formation et la qualification des professionnels du bâtiment en matière de diagnostic, de connaissance des énergies renouvelables et des technologies disponibles, etc.
Dans le domaine de l'urbanisme, les plans Climat-Energie territoriaux (PCET), obligatoires à partir de 2012 pour toutes les collectivités de plus de 50.000 habitants connaissent un démarrage en douceur : à la fin octobre 2010, sur 446 obligatoires en 2012, 102 ont été lancés et 27 adoptés. "Si plus de la moitié des régions et des communautés urbaines ont engagé la démarche, les départements et les autres échelons communaux accusent un certain retard", souligne le rapport. Les rapporteurs se réjouissent du succès du dispositif d'encouragement à la réalisation d'éco-quartiers par les collectivités territoriales mais craignent les conséquences des inflexions décidées dans le cadre du budget 2011 pour ces projets.
Avancées et reculs dans les transports
Dans le domaine des transports, ils saluent un grand nombre d'avancées – projets de transport en site propre hors Ile-de-France, autoroutes ferroviaires, Canal Seine-Nord-Europe, Grand Paris Express, création d'un label pour l'auto-partage, soutien aux véhicules propres – mais constatent que les ambitions affichées pour favoriser le fret ferroviaire ne sont pas tenues. Pire, on assiste même selon eux à un transfert modal au profit du transport routier. Ils déplorent aussi les retards dans la mise en place de l'éco-taxe poids lourds et insistent sur les difficultés pratiques que soulève la modulation des péages autoroutiers prévue par la loi.
Concernant l'énergie, les rapporteurs insistent sur les avancées de l'éolien terrestre mais s'interrogent sur la capacité à maintenir le rythme de développement de cette source d'énergie, après les dispositions de Grenelle 2. De manière générale, dans la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), "il va falloir cesser de raisonner en termes de maxima mais plutôt de minima à atteindre en matière d'énergies renouvelables", a insisté Philippe Tourtelier. La question du nucléaire avait été écartée du Grenelle. Mais après la catastrophe de Fukushima, "il va falloir répondre aux demandes d'énergies renouvelables et décentralisées", estime-t-il.
En matière de biodiversité, les objectifs de réalisation de la trame verte et bleue ne seront pas atteints dans les délais. "Cela est lié à la réflexion des régions sur les schémas de cohérence écologique et on peut comprendre que l'appropriation du Grenelle en la matière prenne du temps", a relativisé Philippe Tourtelier. Pour l'agriculture biologique, les objectifs seront atteints en nombre d'exploitations (6% en 2012) mais pas en surfaces car ces exploitations sont traditionnellement plus petites que dans l'agriculture conventionnelle, pronostiquent les rapporteurs. Sur le thème de la santé et de l'environnement, ils se félicitent que Grenelle 1 ait favorisé le rapprochement des acteurs concernés par ces sujets.
Enfin, dans le domaine des déchets, le rapport juge les progrès "extrêmement limités" en matière de fiscalité sur les installations de stockage et d'incinération et de tarification de l'élimination des déchets ménagers. Concernant la fiscalité incitative ils "se bornent à diverses expérimentations menées à l'initiative de collectivités territoriales et soutenues par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie dans le cadre du plan Déchets : en 2009 et 2010, 21 millions d'euros ont ainsi été engagés par l'Agence pour aider 201 opérations".
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