Première cause de décès évitable, le bilan du tabagisme en France est très lourd, avec 66000 décès prématurés par an chez les fumeurs et 5 000 décès de non fumeurs liés au tabagisme passif.
Avant 1991, la législation avait limité la publicité et le parrainage des manifestations sportives. L’interdiction de fumer ne concernait que certains lieux publics où cette pratique pouvait avoir des conséquences dangereuses pour la santé.
La loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, dite «loi Evin», a véritablement montré la voie en Europe en matière de politique de prévention. Elle a strictement interdit toute publicité directe ou indirecte. Elle a créé les conditions d’une augmentation des prix du tabac en sortant ce produit de l’indice des prix. Elle a posé l'interdiction de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif, «sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs».
Alors qu’en 1991, la France faisait office de modèle dans ce domaine, elle apparaît désormais en retard au regard des préconisations de l’Organisation mondiale de la santé et en comparaison avec les législations de nombre de ses voisins européens tels que l’Irlande, la Norvège, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et dernièrement l’Angleterre qui a voté une interdiction totale y compris dans les pubs, restaurants et clubs privés. Alors qu’en 1991, on considérait qu’il s’agissait de préserver les non fumeurs de la gène que pouvait leur provoquer la fumée de tabac, la connaissance scientifique que nous avons aujourd’hui des conséquences du tabagisme passif sur l’apparition des maladies du cancer ou des pathologies cardiovasculaires en fait l’une des priorités de santé publique. Loin de vouloir stigmatiser les fumeurs, la protection des non fumeurs des effets du tabagisme passif est aujourd’hui une impérieuse nécessité de santé publique, d’autant que de nombreux salariés (notamment dans le secteur des CHRD) sont particulièrement exposés à un risque réel sur leur santé.
Cet impératif de santé publique ne peut se concrétiser que par une interdiction générale et absolue de fumer dans tous les lieux de travail et tous les lieux affectés à un usage collectif. Toute dérogation quant aux lieux concernés ou toute forme de progressivité dans la mise en œuvre de la mesure n’aurait aucune cohérence avec l’objectif affirmé. Pour que la mesure d’interdiction puisse se révéler efficace, il est nécessaire qu’elle soit claire et simple dans la perception que l’opinion en aura et qu’elle soit mise en œuvre à la même date dans tous les lieux concernés. Un contrôle déterminé des conditions de cette mise en œuvre sera un des autres facteurs de réussite de cette politique. Des actions d’éducation sanitaire sur les effets du tabagisme passif et d’explications de la mesure à destination du grand public devraient par ailleurs accompagner la préparation de la mise en œuvre de la décision. Si quelques mois sont nécessaires pour conduire ces actions avant l’entrée en vigueur de la mesure, celle-ci ne saurait être repoussée au-delà du 1er septembre 2007. Les effets économiques d’une politique volontariste en matière de lutte contre le tabagisme sur le secteur de la distribution du tabac ne sauraient être ignorés. Mais ils nécessitent qu’y soient apportées des réponses économiques sans biaiser avec la santé publique.
Au regard de cette analyse les députés socialistes membres de la mission d’information sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics considèrent que seule une modification de la législation actuelle permettra de protéger efficacement des conséquences du tabagisme passif. Le retrait des mots «sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs» dans l’article L. 3511-7 du code de la santé publique suffirait à répondre à l’objectif d’interdiction absolue de fumer dans les lieux de travail et les lieux affectés à un usage collectif. Une telle modification de la loi est tout à fait possible avant la fin de cette législature.
Alors que Monsieur le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer l’une des grandes causes de son mandat, l’adoption d’une telle modification législative n’est qu’une affaire de volonté politique. A défaut d’une affirmation dans la loi de l’interdiction absolue de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, tout compromis tendant à accepter que puissent être installés des fumoirs même entourés de contraintes strictes risque de ne pas se révéler à terme comme répondant à l’objectif affiché de protection des non fumeurs.
Les Cahiers du Groupe Socialiste N° 115 32 10 octobre 2006
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