Allocution de Joël Giraud
Madame Wolinski (épouse),
Madame Giraudon (sœur),
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Maire,
Madame la Conseillère Régionale,
Madame la Vice-Présidente du Conseil départemental,
Monsieur le Conseiller Départemental,
Madame le Proviseur,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Chers élèves et anciens élèves de ce lycée, chers membres de la communauté éducative,
Il y a dans la vie des occasions où les mots sont bien impuissants pour exprimer avec justesse l’intensité d’une blessure.
Il en est ainsi aujourd’hui où nous sommes rassemblés ici pour rendre hommage à Georges Wolinski.
Alors je serai bref et sobre, comme, je crois il aurait aimé.
La ville de Briançon, ce lycée d’altitude saluent aujourd’hui un grand nom de la culture, au sens large du terme, de toutes les cultures, et je tiens tout particulièrement à saluer l’initiative du proviseur Mme Seghir, qui va malheureusement nous quitter bientôt.
Georges Wolinski avait une affection particulière pour Briançon où il a séjourné pendant les huit années de son adolescence et usé ses fonds de culotte sur les bancs de ce lycée, comme nombre d’entre vous, comme moi-même.
Le regard tourné vers la montagne, il aurait pu lui-même écrire quelques vers de son poète préféré, Giacomo Leopardi, ce spécialiste de la satire de la société contemporaine qui affirmait dans son poème « L’infini » : « Toujours elle me fut chère cette colline solitaire » mais qui achevait aussi ses petites œuvres morales sur un prophétique « Je suis mûr pour la mort ».
Et, le 7 janvier dernier, on a coupé la main, on a arraché la langue à Georges Wolinski. On a voulu le faire taire.
Succombant étrangement au même destin que son père, mort assassiné quand il avait seulement 2 ans, Georges Wolinski a péri sous les coups des balles de la haine et de l’intolérance. Lui qui, né à Tunis d'une mère d'origine franco-italienne et d'un père d'origine polonaise incarnait pourtant à lui tout seul la réussite parfaite de l’intégration sociale et culturelle a été la cible d’intégristes.
Certes, une partie de l’objectif a été atteint par les auteurs de cette folie meurtrière qui ont privé à jamais sa famille, ses amis et les gens qui l’aiment de sa présence à leurs côtés.
Cependant, il n’est pas si aisé de se débarrasser du père du « roi des cons ». Ses amis, son épouse Maryse, ses filles Frédérica, Natacha et Elsa, ses petits enfants continuent de faire vivre l’esprit Wolinski. A l’image de la branche d’acacia, arbre qui fleurit partout en cette saison, l’âme de Georges est immortelle.
Aussi, si aujourd’hui nous sommes unis c’est pour exprimer la même volonté de ne pas oublier celui qui ne voulait pas « mourir idiot ».
Alors, dans un clin d’œil à ce grand caricaturiste, accordons-nous à dire qu’il a tout de même bien réussi son pari ! Sa personnalité, sa vie et jusqu’à sa mort sont plus qu’emblématiques, dans la joie comme dans la peine qui est la vôtre aujourd’hui, Madame.
En 1992, dans un face à face télévisé avec sa fille Elsa, il lui rappelait combien les jeunes de sa génération à lui étaient bien plus engagés pour de nobles causes, notamment celle de vouloir changer le monde.
C’est cette leçon qu’aujourd’hui, lycéens présents à cet hommage, vous devez méditer, loin de l’individualisme qui progresse dans notre société.
L’ignoble geste du 7 janvier nous laisse plus que dubitatifs et extrêmement inquiets sur la nature du monde qui se déchire sous nos yeux.
Dans la même émission il avouait également qu’il était « tout le temps dans la lune ou dans les nuages », ce qui ne l’empêchait pas, disait-il « d’avoir toujours un œil sur elle et sur sa maman ».
Alors, Chers Amis, soyons tranquilles.
Levons les yeux au ciel et saluons le père du « roi des cons » qui veille sur nous !
Pour que les forces de l’esprit de Charlie, qui étaient les siennes, aillent au-delà de la tragédie, vers un monde où l’on peut rire de tout pour mieux s’émouvoir, pour mieux s’indigner et construire un avenir meilleur.
photos du Dauphiné Libéré/Candice HECK
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