Cherche-t-on à tuer les petits partis pour vivre dans un monde de godillots ? C’est en ces termes que les députés radicaux de gauche se sont opposés à la proposition de loi socialiste modifiant les règles de l’élection présidentielle à un an de celle-ci en dénonçant « une proposition de loi qui, en brimant les minorités, bride et abîme la République ». Comme il s’agit d’une loi organique où seuls comptent les votes « pour » la moitié des députés radicaux a choisi l’abstention, l’autre moitié, dont le député PRG Joël Giraud, pour marquer un désaccord profond, s’est exprimé contre. Ce texte a toutefois été adopté grâce au vote massif du groupe socialiste, rejoint par de nombreux députés Les Républicains.
Pour Joël Giraud « les extrêmes ne reculent pas en faisant reculer la démocratie ».
L’explication de vote pour les députés RRDP, d’Alain Tourret, député PRG
« Faut-il revoir, à la demande des médias, le combat de 2012 opposant les Présidents Sarkozy et Hollande, combat dont la majorité des Français ne veulent plus ou ne veulent pas ?
Tel est l’enjeu du principe, ou plutôt de la règle, qui vise à remplacer l’égalité par l’équité du temps de passage sur les antennes. On chercherait à tuer les petits partis au profit de la bande des quatre ou encore de l’UMPS, ou mieux encore du tripartisme actuel, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Les petits partis ont produit la nouveauté par leur énergie, par leur talent, par la qualité de leurs candidats. Je me permettrai d’en rappeler deux de ma famille : Michel Crépeau, à l’élection de 1981, et Christiane Taubira, à celle de 2002. J’en viendrai même à dire : « Small is beautiful. »
Nous n’avons pas à répondre aux diktats des chefs de chaîne, qui représentent des intérêts puissants avec l’appui plus ou moins avoué du CSA. Jadis, c’étaient les maîtres des forges, avec les Schneider ; aujourd’hui, ce sont les propriétaires de groupes de presse, plus sensibles à l’audimat qu’à la liberté d’expression.
Nous ne voulons pas de cet État-spectacle, si bien décrit, il y a trente ans, par un professeur qui allait devenir le président de notre groupe : Roger-Gérard Schwartzenberg.
Il est bien malheureux que la proposition de loi organique comporte cet assujettissement aux puissances de l’argent, car elle contient d’autres mesures intéressantes, comme celles qui concernent les heures de fermeture des bureaux de vote, la publication des noms de tous les parrains, ou de la prise en compte pour les frais de l’élection d’une période d’une année pour l’élection présidentielle et de six mois pour les autres élections.
Nous autres radicaux sommes héritiers d’un grand parti qui a compté des centaines d’élus, sénateurs et députés. Aujourd’hui, dans cet hémicycle, nous ne sommes plus qu’une douzaine, sans doute parmi les plus résistants, et nous ne voulons pas disparaître.
Alors je le dis à mes amis socialistes : compte tenu des circonstances actuelles, faites attention à ne pas trop vous radicaliser.
Vous avez compris, mes chers amis, que nous ne voterons pas cette proposition de loi organique qui, en brimant les minorités, brident et abîment la République. »
L’analyse du scrutin relatif au vote
Analyse du scrutin n° 1263
Première séance du 05 / 04 / 2016
Scrutin public sur la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle (lecture définitive).
Pour l'adoption : 299 Contre : 142 Abstention : 121
Synthèse du vote
Nombre de votants : 562
Nombre de suffrages exprimés : 441
Majorité absolue : 287
Pour l'adoption : 299
Contre : 142
L'Assemblée nationale a adopté.
Groupe socialiste, républicain et citoyen (285 membres)
Pour: 266 : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Jean-Pierre Allossery, François André, Nathalie Appéré, Kader Arif, Christian Assaf, Pierre Aylagas, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Guy Bailliart, Alain Ballay, Gérard Bapt, Frédéric Barbier, Serge Bardy, Christian Bataille, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Chantal Berthelot, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Jean-Luc Bleunven, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Christophe Borgel, Florent Boudié, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane-Laroussi, Émeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, Isabelle Bruneau, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Marie-Arlette Carlotti, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Guy-Michel Chauveau, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Romain Colas, David Comet, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Jacques Dellerie, Pascal Demarthe, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre-Coste, René Dosière, Sandrine Doucet, Philippe Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Laurence Dumont, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Martine Faure, Olivier Faure, Alain Fauré, Hervé Féron, Richard Ferrand, Geneviève Fioraso, Hugues Fourage, Jean-Marc Fournel, Valérie Fourneyron, Michèle Fournier-Armand, Michel Françaix, Christian Franqueville, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Guillaume Garot, Renaud Gauquelin, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Yves Goasdoué, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin-Fleury, Pascale Got, Marc Goua, Laurent Grandguillaume, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Joëlle Huillier, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Romain Joron, Régis Juanico, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, François Lamy, Anne-Christine Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre-Yves Le Borgn', Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Annie Le Houerou, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Arnaud Leroy, Marie-Thérèse Le Roy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Serge Letchimy, Marie Le Vern, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Gabrielle Louis-Carabin, Lucette Lousteau, Victorin Lurel, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat Sandrine Mazetier Michel Ménard Patrick Mennucci Kléber Mesquida Philippe Naillet Philippe Nauche Nathalie Nieson Robert Olive Maud Olivier Monique Orphé Michel Pajon Luce Pane Rémi Pauvros Germinal Peiro Hervé Pellois Jean-Claude Perez Sébastien Pietrasanta Christine Pires Beaune Philippe Plisson Élisabeth Pochon Napole Polutélé Pascal Popelin Dominique Potier Michel Pouzol Régine Povéda Christophe Premat Joaquim Pueyo François Pupponi Catherine Quéré Valérie Rabault Monique Rabin Dominique Raimbourg Marie Récalde Marie-Line Reynaud Pierre Ribeaud Eduardo Rihan Cypel Denys Robiliard Alain Rodet Marcel Rogemont Frédéric Roig Bernard Roman Gwendal Rouillard René Rouquet Alain Rousset Boinali Said Béatrice Santais Odile Saugues Gilbert Sauvan Gilles Savary Christophe Sirugue Julie Sommaruga Pascal Terrasse Sylvie Tolmont Jean-Louis Touraine Stéphane Travert Catherine Troallic Cécile Untermaier Daniel Vaillant Jacques Valax Michel Vauzelle Fabrice Verdier Michel Vergnier Patrick Vignal Jean-Michel Villaumé Jean Jacques Vlody Paola Zanetti.
Contre: 7 : Marie-Françoise Bechtel, Fanélie Carrey-Conte, Aurélie Filippetti, Christian Hutin , Jean-Luc Laurent, Barbara Romagnan, Suzanne Tallard.
Abstention: 5 : Sylviane Alaux, Geneviève Gaillard, Linda Gourjade, Christian Paul, Gérard Sebaoun.
Non-votants: 7 : M. Claude Bartolone (Président de l'Assemblée nationale), Mme Delphine Batho, MM. Philippe Baumel, Yann Galut, Mme Edith Gueugneau, MM. Pierre-Alain Muet et Patrice Prat.
Groupe Les Républicains (197 membres)
Pour: 22 : Benoist Apparu, Laurence Arribagé, Éric Ciotti, Philippe Cochet, Jean-Louis Costes, Édouard Courtial, David Douillet, Georges Fenech, Bernard Gérard, Charles-Ange Ginesy, Philippe Goujon, Françoise Guégot, Jean-Claude Guibal, Christophe Guilloteau, Philippe Houillon, Sébastien Huyghe, Guillaume Larrivé, Marc Le Fur, Thierry Mariani, Alain Marleix, Olivier Marleix, Alain Marsaud.
Contre: 67 : Bernard Accoyer, Olivier Audibert-Troin, Jérôme Chartier, Luc Chatel, Guillaume Chevrollier, Alain Chrétien, Jean-François Copé, Jean-Michel Couve, Marie-Christine Dalloz, Bernard Debré, Patrick Devedjian, Nicolas Dhuicq, Sophie Dion, Julien Dive, Marianne Dubois, Virginie Duby-Muller, François Fillon, Claude de Ganay, Guy Geoffroy, Claude Goasguen, Jean-Pierre Gorges, Philippe Gosselin, Arlette Grosskost, Serge Grouard, Henri Guaino, Michel Heinrich, Antoine Herth, Patrick Hetzel, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jacques Kossowski, Laure de La Raudière, Isabelle Le Callennec, Frédéric Lefebvre, Bruno Le Maire, Dominique Le Mèner, Jean Leonetti, Philippe Le Ray, Véronique Louwagie, Gilles Lurton, Hervé Mariton, Franck Marlin, Patrice Martin-Lalande, Philippe Meunier, Jean-Claude Mignon, Yannick Moreau, Pierre Morel-A-L'Huissier, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Édouard PhilippeJean-Frédéric Poisson, Bérengère Poletti, Josette Pons, Camille de Rocca Serra, Sophie Rohfritsch, Martial Saddier, François Scellier, Claudine Schmid, Thierry Solère, Lionel Tardy, Jean-Charles Taugourdeau, Michel Terrot, Jean-Marie Tetart, François Vannson, Patrice Verchère, Arnaud Viala, Michel Voisi, Marie-Jo Zimmermann.
Abstention: 107 : Damien Abad, Elie Aboud, Yves Albarello, Nicole Ameline, Julien Aubert, Patrick Balkany, Jean-Pierre Barbier, Jacques Alain Bénisti, Sylvain Berrios, Marcel Bonnot, Jean-Claude Bouchet, Valérie Boyer, Xavier Breton, Philippe Briand, Bernard Brochand, Dominique Bussereau, Olivier Carré, Gilles Carrez, Yves Censi, Gérard Cherpion, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, François Cornut-Gentille, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Rémi Delatte, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Daniel Fasquelle, Marie-Louise Fort, Yves Foulon, Marc Francina, Yves Fromion, Laurent Furst, Sauveur Gandolfi-Scheit, Hervé Gaymard, Annie Genevard, Alain Gest, Daniel Gibbes, Franck Gilard, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Greff, Anne Grommerch, Jean-Jacques Guillet, Michel Herbillon, Guénhaël Huet, Christian Jacob, Denis Jacquat, Christian Kert, Patrick Labaune, Valérie Lacroute, Marc Laffineur, Jacques Lamblin, Jean-François Lamour, Charles de La Verpillière, Thierry Lazaro, Alain Leboeuf, Vincent Ledoux, Pierre Lellouche, Pierre Lequiller, Céleste Lett, Geneviève Levy, Lionnel Luca, Jean-François Mancel, Laurent Marcangeli, Alain Marty, Jean-Claude Mathis, François de Mazières, Gérard Menuel, Damien Meslot, Pierre Morange, Jacques Myard, Dominique Nachury, Patrick Ollier, Jacques Pélissard, Bernard Perrut, Axel Poniatowski, Christophe Priou, Didier Quentin, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Bernard Reynès, Franck Riester, Arnaud Robinet, Paul Salen, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Fernand Siré, Michel Sordi, Éric Straumann, Claude Sturni, Alain Suguenot, Michèle Tabarot, Guy Teissier, Pascal Thévenot, Dominique Tian, Catherine Vautrin, Jean-Sébastien Vialatte, Jean-Pierre Vigier, Philippe Vitel, Jean-Luc Warsmann, Laurent Wauquiez, Éric Woerth.
Non-votant: 1 : M. Philippe Armand Martin.
Groupe de l'union des démocrates et indépendants (29 membres)
Contre: 28 : Thierry Benoit, Charles de Courson, Laurent Degallaix, Stéphane Demilly, Yannick Favennec, Philippe Folliot, Philippe Gomès, Meyer Habib, Francis Hillmeyer, Yves Jégo, Sonia Lagarde, Jean-Christophe Lagarde, Maurice Leroy, Hervé Morin, Bertrand Pancher, Michel Piron, Franck Reynier, Arnaud Richard, François Rochebloine, Maina Sage, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Jonas Tahuaitu, Jean-Paul Tuaiva, Francis Vercamer, Philippe Vigier, Michel Zumkeller
Non-votant: 1 : M. François-Xavier Villain.
Groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (18 membres)
Pour: 2 : Olivier Falorni, Jérôme Lambert
Contre: 8 : Jean-Noël Carpentier, Ary Chalus, Joël Giraud, Jacques Krabal, Jean-Pierre Maggi, Dominique Orliac, Thierry Robert, Stéphane Saint-André
Abstention: 8 : Gérard Charasse, Stéphane Claireaux, Jeanine Dubié, Paul Giacobbi, Gilda Hobert, Sylvia Pinel, Roger-Gérard Schwartzenberg, Alain Tourret
Groupe écologiste (17 membres)
Pour: 6 : Denis Baupin, Christophe Cavard, François-Michel Lambert, Véronique Massonneau, Paul Molac, François de Rugy
Contre: 10 : Laurence Abeille, Brigitte Allain, Isabelle Attard, Danielle Auroi, Michèle Bonneton, Sergio Coronado, Cécile Duflot, Noël Mamère, Jean-Louis Roumégas, Eva Sas
Abstention: 1 : Éric Alauzet
Groupe de la gauche démocrate et républicaine (15 membres)
Pour: 1 : Gabriel Serville
Contre: 12 : François Asensi, Huguette Bello, Alain Bocquet, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Marc Dolez, Jacqueline Fraysse, Jean-Philippe Nilor, Nicolas Sansu
Non-votants: 2 : MM. Bruno Nestor Azérot et Alfred Marie-Jeanne.
Non inscrits (12 membres)
Pour: 2 : Sylvie Andrieux, Thomas Thévenoud.
Contre: 10 : Pouria Amirshahi, Véronique Besse, Jacques Bompard, Gilles Bourdouleix, Gilbert Collard, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Christophe Fromantin, Jean Lassalle, Marion Maréchal-Le Pen, Philippe Noguès.
L’analyse du texte par les députés RRDP.
Modification des règles pour l’élection présidentielle
La proposition de loi organique, déposée par le groupe socialiste, porte notamment sur l’accès aux médias audiovisuels des candidats à l’élection présidentielle.
Son article 4 – qui avait été supprimé par le Sénat – substitue un « principe d’équité » à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole des candidats pendant la période dite « intermédiaire ». C’est-à-dire la période qui va de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.
Selon cet article, pendant cette période intermédiaire, il y aurait désormais « un traitement médiatique équitable des candidats » et non plus un traitement égalitaire.
Que dit, en effet, l’exposé des motifs de cette proposition de loi ? « La situation actuelle est source de complications pour les chaînes de radio et de télévision… De surcroît, le nombre important de candidats – 12 en 2017, 10 en 2012 – rend difficile l’application d’une stricte égalité, dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats. »
Bref, ce serait à l’élection présidentielle de s’adapter aux impératifs des médias et non plus l’inverse.
Pourtant, cette soumission du législateur aux codes de l’État spectacle (1) serait particulièrement regrettable.
La fin de l’égalité pendant la période intermédiaire
Selon les règles actuellement en vigueur, l’élection présidentielle doit se dérouler à armes égales sur les médias audiovisuels, aussi bien pendant la période intermédiaire que durant la campagne officielle.
Ces médias doivent traiter les divers candidats sur un pied d’égalité, sans privilégier ou, à l’inverse, sans défavoriser certains.
Cette égalité de traitement est une garantie du pluralisme politique, qui est une valeur fondamentale de la démocratie.
En temps ordinaire, les grandes chaînes de télévision ne respectent guère ce pluralisme, bien que les chaînes de service public soient théoriquement obligées de le faire, notamment par le décret du 16 septembre 1994 portant approbation des cahiers des charges des société France 2 et France 3. L’article 2 de ce décret dispose :
« Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du CSA, la société assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme des courants de pensée et d’opinion. »
Mais en fait, en temps ordinaire, les grands médias accueillent surtout les représentants des principaux partis, mais très peu ceux des autres formations.
En revanche, pendant l’élection présidentielle, la réglementation actuelle permet de surmonter cet obstacle ou ce barrage. Elle permet à des candidats représentant des partis non dominants ou incarnant de nouveaux courants politiques d’être effectivement présents sur les grands médias.
Ainsi, en 2002, cette règle de l’égalité de traitement médiatique pendant l’élection présidentielle a permis à des candidats n’appartenant pas aux grands partis – comme Christiane Taubira pour le PRG ou Olivier Besancenot pour la LCR – d’accéder véritablement aux médias audiovisuels et de pouvoir communiquer réellement avec le public.
Le star system télévisé
Cela contraste très utilement avec le star system télévisé qui prévaut sur les grandes chaînes en temps ordinaire.
En pratique, les professionnels de l’audiovisuel exercent une fonction latente de sélection des dirigeants politiques. Ils choisissent ceux qu’on peut appeler les « apparents », ceux qui sont invités aux journaux télévisés de 20 heures et aux émissions de grande écoute.
Le critère des principaux médias audiovisuels, c’est l’audimat. Leur objectif prioritaire, c’est de faire de l’audience, c’est d’obtenir de forts taux d’écoute.
Dans ce but, les grandes émissions accueillent des leaders confirmés, appartenant aux principaux partis et disposant d’une forte notoriété, et non les représentants d’autres formations, notamment des formations nouvelles ou émergentes.
Bref, avec ce système très conservateur de l’ordre politique et télévisé établi, la notoriété va à la notoriété.
Ce qui est, en fait, proposé par cette proposition de loi, c’est d’appliquer ces pratiques non pluralistes même pendant la période intermédiaire qui précède la campagne officielle.
On voit bien – très bien – ce qu’y gagneraient les candidats des grands partis. On voit bien aussi, à l’inverse, ce qu’y perdraient les candidats des autres formations.
Selon cette proposition de loi, l’application du concept d’équité devrait se fonder sur deux critères.
La représentativité des candidats
Premier critère : « la représentativité des candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion. »
Ce critère de la représentativité, mesurée par les précédents résultats électoraux des formations politiques soutenant le candidat, handicaperait voire interdirait toute candidature intervenant en dehors des partis.
Quant aux « indications d’enquêtes d’opinion », elles peuvent parfois être douteuses, certains sondages étant réalisés selon des méthodes sommaires ou approximatives, voire sous l’influence de ceux qui les ont commandés.
La contribution à l’animation du débat électoral
Second critère : « la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral ». C’est-à-dire, surtout, la présence du candidat sur les médias avant cette période intermédiaire.
Bref, pour accéder réellement aux débats audiovisuels pendant la période intermédiaire, il faudrait déjà y avoir accédé avant celle-ci.
Dès lors, au lieu de corriger l’inégalité médiatique, ce critère la conforterait. Seuls ceux bénéficiant déjà d’une forte audience médiatique avant la période intermédiaire pourraient la conserver pendant cette période.
Comme le précédent, ce critère, très conservateur des situations acquises, ne peut être retenu.
On ne peut accepter cette atteinte au pluralisme politique, cette rupture d’égalité des candidats devant le suffrage, qui est un principe républicain essentiel. Surtout s’agissant du scrutin le plus important de notre vie publique.
Il ne peut y avoir deux sortes de candidats. Ceux qui ont satisfait aux exigences requises pour être candidats – les 500 parrainages – doivent pouvoir présenter leur programme dans les mêmes conditions. Sans devoir subir une seconde sélection organisée par les médias.
Il ne peut y avoir d’un côté, les candidats du système politico-médiatique, de l’Establishment, et de l’autre, les représentants des formations moins installées et notamment des formations nouvelles ou émergentes.
Le débat présidentiel ne peut devenir un débat tronqué, altéré, accordant une capacité d’expression réduite à certains candidats et privilégiant les autres.
On ne peut figer le système politique établi et transformer l’élection présidentielle en reproduction automatique de l’existant.
Le Sénat a eu raison de supprimer cette disposition, très inopportune. Il appartient à notre Assemblée de le faire à son tour.