Article de Radio Réveil FM International
29 septembre 2015 | Par Freddy Mulongo
Chamonix-Mont-Blanc: Allocution de Manuel Valls au Conseil national de la Montagne
Manuel Valls lors de son allocution au Conseil national de la montagne. Photo Réveil FM International
Mesdames, messieurs les ministres,
Monsieur le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, cher Joël Giraud,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire de Chamonix,
Mesdames, messieurs les maires,
Mesdames, messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
Le Conseil national de la Montagne vient de s’achever …
Et quel plus bel endroit pour le réunir que cette ville de Chamonix, au pied du MontBlanc, symbole même de la montagne, puissante et magnifique. Ne dit-on pas d’ailleurs que « tout montagnard est un peu chamoniard » !
La montagne est notre patrimoine commun avec ses paysages à couper le souffle, qui invitent à l’effort, au dépassement de soi, et au respect. Respect des autres et de l’environnement.
La montagne est aussi un lieu de ressources – de l’eau en abondance, du bois, de l’hydroélectricité ou encore de l’élevage. Sa contribution à la richesse nationale est considérable : le tourisme d’hiver rapporte plus de 7 milliards d’euros et représente plus de 120 000 emplois.
Et puis, la montagne, c’est aussi – et peut-être avant tout – un espace où des habitants vivent et travaillent toute l’année. Ils sont souvent très attachés à leur lieu et à leur mode de vie.
Or, la montagne est aujourd’hui en danger. Nous pouvons constater – comme ce matin, à la Mer de glace – les conséquences terribles de l’activité humaine. Face au défi climatique, nous devons agir.
Le mode de vie montagnard est, lui aussi, menacé. Il y a, nous le savons, ce sentiment que les services publics, peu à peu, disparaissent, que les emplois s’éloignent. Notre devoir, c’est de faire en sorte que la montagne reste attractive, et qu’elle ait toutes les chances de son côté.
Pour cela, il fallait poser les bases d’un nouveau pacte entre la Nation et les territoires de montagne ; il fallait établir une feuille de route.
1. Le CNM – une ambition pour la Montagne – une méthode pour agir
Un mot, d’abord, sur notre méthode : il n’y a pas de mutation de la montagne qui puisse s’accomplir sans les montagnards eux-mêmes.
Le Conseil national de la Montagne est un lieu de dialogue essentiel, qui réunit le Gouvernement et les acteurs de tous les massifs de France. Il est le garant des intérêts de la Montagne ; j’y suis profondément attaché. Je souhaite donc qu’il soit conforté. Il se réunira tous les ans et sa composition sera actualisée.
Je veux également redonner tout leur rôle aux six comités de massifs qui incarnent la diversité de nos montagnes.
C’est ainsi autour de ces deux institutions – conseil national et comités de massifs – que nous pourrons donner un contenu concret à l’exigence d’adaptation des normes. « Les dispositions de portée générale sont adaptées, en tant que de besoin, à la spécificité de la montagne » : telle était l’ambition affirmée par la loi montagne de 1985. Elle doit désormais vivre pleinement. J’ai donc décidé de définir une procédure permettant aux massifs de proposer des adaptations des normes aux montagnes.
Cette même exigence a déjà été prise en compte dans la constitution des intercommunalités. Les mêmes seuils ne peuvent s’appliquer partout : c’était un engagement du Gouvernement à Chambéry ; il a été tenu. Il le sera également dans la réforme de la dotation globale de fonctionnement que le Gouvernement souhaite engager.
Il y a un an, à Chambéry, j’annonçais l’ambition du Gouvernement d’engager l’acte II de la Loi Montagne, en partant des propositions des acteurs de terrain.
C’est dans cet esprit que j’ai demandé à deux parlementaires qui connaissent très bien ces questions, Bernadette Laclais et Annie Genevard, de réfléchir à cette question de l’avenir durable de la montagne. Je veux les saluer pour la rigueur, la richesse de leur travail et la vision d’ensemble qu’elles proposent. Je veux également les remercier pour le travail de concertation et d’écoute qu’elles ont mené avec les ministères, les administrations, les associations d’élus. Les conclusions de leur rapport posent les fondements d’une nouvelle approche.
En effet, pendant des années, on a agi avec une même vision : gommer les obstacles. Certains retards – infrastructures, transports, … – ont ainsi été rattrapés. Nous devons aujourd’hui passer à une autre logique : la montagne ne doit pas se résumer à une somme de handicaps naturels à compenser. Nous devons, désormais, valoriser les spécificités de ces espaces pour en tirer pleinement parti.
C’est autour de cette conviction que le Conseil national de la Montagne a posé les bases d’une évolution en profondeur de notre action.
Pour garantir la mise en œuvre rapide de ses engagements, le Gouvernement intègrera des modifications législatives dans les projets de loi inscrits à l’ordre du jour du Parlement. Je souhaite, en outre, déterminer avec les élus de la montagne s’il est nécessaire de revenir sur la loi Montagne elle-même.
2. La montagne au cœur de la conférence Paris Climat 2015
Agir pour la montagne, c’est d’abord continuer de sonner l’alarme environnementale. C’est ce que nous avons fait, ce matin, avec Ségolène Royal.
Nous avons voulu le faire ici, car c’est ici que culmine l’Europe. Ici, aussi, que l’action des hommes fait fondre les glaces et les neiges que les générations avant nous croyaient éternelles.
Vous le savez, pour accéder au glacier, il faut descendre 420 marches. Son niveau a tellement baissé que depuis 2010 – il y a 5 ans à peine – 70 marches ont été ajoutées. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.
Préserver notre environnement est une nécessité. C’est aussi une opportunité pour concevoir de nouvelles manières de produire, de consommer, et donc de créer de la croissance et des emplois. C’est se hisser à la hauteur des enjeux. Et chacun devra prendre sa part. C’était notre message ce matin.
La France, avec le Président de la République, est à l’initiative. La conférence Paris Climat 2015 doit nous permettre de parvenir à un accord ambitieux, qui engage tous les pays, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
La montagne n’est pas seulement le lieu où le défi climatique est le plus visible. Elle est aussi le lieu où l’on y apporte des réponses. Ses habitants ont toujours su s’adapter, innover, inventer.
Ce sont des montagnards qui ont d’abord porté l’hydroélectricité, le thermalisme. La montagne a accueilli de grandes aventures industrielles. Pour protéger les produits et les savoir-faire, des labels ont été développés, le patrimoine a été protégé. La préservation des espèces et des espaces s’est construite petit à petit.
Le grand défi d’aujourd’hui, c’est de poursuivre sur cette voie en construisant un modèle de développement soutenable pour préserver le cadre unique que sont nos massifs, nos vallées, nos plateaux, nos rivières, nos forêts. Notre feuille de route pose les fondements de ce nouveau modèle en intégrant pleinement ces territoires dans une démarche de transition écologique et énergétique.
Dès 2016, les projets de valorisation des déchets organiques seront soutenus et le Gouvernement lancera un nouvel appel à projet en faveur des territoires à énergie positive et réformera son plan national d’adaptation au changement climatique, en lien avec les comités de massif.
Les questions de l’eau et de l’irrigation en montagne seront, elles aussi, traitées. Des mesures concrètes seront prises dans la foulée du rapport parlementaire que m’a remis Joël Giraud.
Agir pour l’environnement, c’est enfin limiter les risques naturels qui se multiplient malheureusement aujourd’hui. Pour faire face, l’Etat créera un Programme d’actions de prévention des aléas de montagne (PAPAM) qui permettra de coordonner le rôle et les missions complémentaires des services centraux ainsi que des collectivités locales.
3. Des actes concrets et adaptés pour la vie et le travail quotidiens
a) Pour la vie quotidienne
Agir pour la montagne, c’est ensuite reconnaître, encore davantage, que la montagne est un lieu où l’on vit. Et où doit vivre la promesse d’égalité entre les citoyens, entre les territoires.
Le premier impératif, c’est l’accès de tous à des soins de santé.
Nous avons ainsi porté à 1 700 le nombre de bourses que nous versons aux jeunes médecins pour les inciter à s’installer dans les territoires isolés. Nous ouvrirons également 1 000 maisons de santé dans les mois à venir pour que chacun puisse avoir accès à des médecins, généralistes et spécialistes. Et j’ai demandé que le financement de ces bourses et l’implantation de ces maisons de santé accordent une priorité aux territoires de montagne.
Nous nous sommes également engagés à ce qu’aucun Français ne soit éloigné de plus de 30 minutes de soins d’urgence, d’une maternité. Vous me répondrez : le temps est toujours relatif, en montagne, 30 minutes l’été, cela peut vouloir dire 1 heure 30, l’hiver. L’ensemble des services qui participent au secours d’urgence aux personnes – que ce soit les SAMU ou les sapeurs-pompiers – concourent à cet objectif, y compris en montagne. Dans ces territoires, l’emploi des moyens héliportés peut s’avérer déterminante ; il doit se faire de manière coordonnée, sans concurrence, avec l’objectif d’une couverture la plus large possible des zones difficiles d’accès.
Le deuxième impératif, qui est d’ailleurs lié, c’est celui des infrastructures de transport. Car il y a les dénivelés, les vallées et les combes à traverser, le gel, la neige, les éboulis – ce sont, pour les collectivités locales concernées – je pense bien sûr au tunnel du Chambon – des coûts inévitables.
La catastrophe qui a touché cette vallée – où je me suis rendu en juillet – témoigne de la vulnérabilité particulière de ces villages de montagne. Il était essentiel que la solidarité nationale s’exprime pour aider les populations enclavées.
La première priorité de l’Etat a été la protection des populations. Grâce à l’appui technique et financier de l’Etat, des réponses ont pu être apportées pour traiter les urgences : pont aérien par hélicoptère, navettes lacustres, tarif réduit sur le tunnel du Fréjus, aide aux entreprises et professionnels impactés, construction d’une piste de secours ! Et l’Etat sera aux côtés des collectivités pour résoudre plus durablement les difficultés.
J’ai également décidé, plus globalement, que l’Etat mettrait à disposition des collectivités des équipes d’ingénierie pour assurer le suivi des ouvrages – routes, tunnels, viaducs – les plus stratégiques. Certains territoires manquent encore d’équipements structurants : il faut mettre fin à ces dernières situations d’enclavement. Ces équipes devront les identifier, massif par massif, et proposer des solutions innovantes. Tous les moyens devront être envisagés : l’Etat facilitera l’émergence de projets de transport par câbles.
La montagne, comme tout le territoire national, bénéficiera par ailleurs des dispositifs que nous mettons en place de renforcement des services public locaux, grâce notamment aux maisons de service public. Elles permettront de regrouper, dans des bureaux de poste, des services tels que la CAF, EDF-GDF, Pôle emploi … Nous serons attentifs à répondre aux besoins qui s’expriment en montagne.
Le dernier impératif, c’est enfin de permettre à chacun d’avoir accès à la téléphonie et à un réseau Internet. C’est essentiel pour la vitalité du tissu économique, pour travailler ; essentiel aussi pour lutter contre l’isolement. Nous avons donc imposé aux opérateurs de couvrir tout le territoire en 3G d’ici 2016.
En ce qui concerne Internet, tous les départements se seront d’ici la fin de l’année engagés dans le plan France Très Haut Débit. Nous y consacrons 3 milliards d’euros. En 2022, le Très Haut Débit sera ainsi devenu une réalité quotidienne. Et nous travaillons en parallèle – pour couvrir les territoires les plus enclavés, ceux où le Très Haut Débit ne peut pas, physiquement, se déployer – à lancer, avec EUTELSAT, un nouveau satellite de communication. C’est un premier pas pour qu’en 2018 – je m’y engage – 150 000 foyers soient couverts par ce moyen particulièrement adapté aux espaces très éloignés des centres urbains.
b) Pour la vie professionnelle
Agir pour la montagne, c’est enfin y conforter l’activité, permettre à chacun de travailler, au fil des saisons, avec les ressources et les contraintes particulières que vous connaissez.
Des terres du Massif Central aux Alpes du nord, des Vosges aux Pyrénées, chaque territoire de montagne a su construire son propre modèle de développement. C’est d’abord bien sûr, je le disais, le tourisme, qui fait vivre l’attractivité du territoire, hiver comme été, et dont l’impact sur l’économie est majeur.
Il est devenu nécessaire de rénover les ensembles construits dans les années 1970 et qui ne répondent plus aux enjeux d’aujourd’hui. Pour y remédier, il fallait donner la priorité à la réhabilitation plutôt qu’à l’extension. Réhabiliter, c’est gagner en attractivité, mais aussi préserver le foncier, améliorer les performances énergétiques. C’est le message de votre rapport parlementaire.
J’ai donc décidé de réorienter dès 2017, le dispositif dit « CENSI-BOUVARD » vers la réhabilitation de l’ancien. Je sais que les élus locaux l’attendent. Nous construisons ainsi un nouveau modèle de développement touristique, pour attirer des touristes toute l’année. Le tourisme doit ainsi contribuer à réduire l’empreinte environnementale.
L’activité en montagne, c’est ensuite l’agriculture – un enjeu économique, paysager, environnemental, social. J’ai donc voulu renforcer et pérenniser les soutiens spécifiques à l’agriculture montagnarde.
La pluriactivité est souvent, dans ces territoires, une obligation. Les agriculteurs peuvent se tourner vers l’artisanat l’hiver, lorsque le travail de la terre n’est plus possible ; et les saisonniers peuvent trouver une occupation pendant les saisons creuses. Nous devons, pour encourager l’emploi, la création de richesse, faciliter cette organisation du travail. Il fallait pour cela mieux accompagner les travailleur pluriactifs, simplifier l’affiliation à différents régimes, les aider à se former.
Ce constat et cette volonté de simplification de l’emploi local, nous l’étendrons au travail saisonnier. Le Ministère de l’Emploi engage ainsi un grand chantier pour valoriser, protéger et accompagner les travailleurs saisonniers. Nous devons, pour le statut de ces salariés particuliers, trouver un équilibre entre souplesse et protection.
Mesdames, messieurs, Ce conseil national de la montagne est une nouvelle pierre à l’édifice de la « nouvelle France des territoires » que nous construisons, c’est-à-dire le développement harmonieux de tous les espaces qui composent notre pays. C’est l’assurance que chaque territoire est entendu dans ses spécificités pour mieux contribuer aux victoires collectives.
Il y a quelques jours, à Vesoul, avec le Président de la République, nous avons démontré que notre volonté se traduisait en actes. Et nous allons continuer, au côté des habitants, des acteurs économiques, et des élus locaux, à agir pour nos territoires. Pour tous nos territoires. C’est cet engagement, que je tenais, que nous tenions à réaffirmer, ici, aujourd’hui, à Chamonix.
Je vous remercie.
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