Texte de la question
M. Joël Giraud attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les dérives dans l'évolution de la biologie médicale française, en pleine mutation, notamment en raison de la financiarisation de cette filière. Les biologistes médicaux ont la maîtrise des techniques diagnostiques et la connaissance biologique des maladies, dans tous les domaines, des plus classiques à ceux qui demandent des connaissances de pointe : bactériologie, virologie et hygiène hospitalière, biochimie, biologie de la reproduction, génétique, hématologie, immunologie, parasitologie, mycologie et risques environnementaux, pharmacologie-toxicologie, thérapie cellulaire, thérapie génique. Ils permettent à l'équipe de soins de cibler les traitements pour chaque patient en fonction de son âge, de son sexe, de sa maladie, au stade précis de son évolution. La proximité géographique avec les patients qui prévalait jusque-là, la présence de professionnels hautement compétents, la rapidité dans le rendu des résultats étaient des atouts que la France aurait dû s'attacher à préserver pour l'avenir.
Malheureusement, la logique, déjà en place chez nos voisins européens, plus industrielle, avec la progression de « plateaux techniques » moins nombreux, dotés d'automates, privant le patient de tout dialogue et d'un suivi personnalisé et le réduisant à un simple code-barres sur un tube, où les biologistes ne sont considérés que comme de simples prestataires de service, est en train de se mettre en place dans notre pays, sans d'ailleurs que la biologie hospitalière ne soit en mesure de reprendre des parts de marché sur la biologie de ville, malgré ses atouts scientifiques et techniques, compte tenu notamment des difficultés actuelles que traversent les hôpitaux. À l'horizon 2016, 60 % des laboratoires appartiendront à des grands groupes nationaux ou internationaux et les autres représenteront d'importants laboratoires régionaux. Au travers de cette logique, prétendument portée par des exigences de qualité et de normalisation, il s'agit d'une main mise de la finance sur un domaine qui y avait échappé jusqu'à maintenant. Laisser les laboratoires d'analyses à ces grands investisseurs, c'est aussi leur permettre de capter à leur profit une part des ressources provenant de la solidarité collective. Chacun sait que lorsque de grands opérateurs prennent le contrôle de pans entiers d'une activité, l'État devient impuissant à en tempérer les outrances.
Sans vision stratégique d'ensemble de la place de la biologie médicale dans le système de soins, le risque est ici de voir les praticiens subir les pressions qui les contraindront à conformer leurs actes aux objectifs de rentabilité, propres à l'univers financier. Ils seront également libres de regrouper tous les laboratoires dans les zones les plus rentables, de choisir leurs marques de réactifs et de matériels sur les seuls critères du profit, et non de l'innovation et de la qualité de service. D'autre part, la question de la sécurité des données personnelles de santé se pose d'une façon urgente aussi, dès lors qu'elles seraient aux mains de groupes ayant aussi des activités d'assurances ou de prêts.
Deux conceptions opposées s'affrontent donc et il nous faut déterminer de façon urgente si les services de santé sont considérés comme n'importe quels biens marchands, ou si nous préférons la persistance d'un système dans lequel les professionnels de santé gardent la maîtrise de leur outil de travail, au service des malades.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître sa position et les mesures qu'elle compte prendre pour ne pas laisser le secteur de la santé aux plus offrants.
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