8 juillet 2015
Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe Radical de l’Assemblée nationale, s’est exprimé sur la situation de la Grèce et les enjeux européens dans le cadre du débat qui s’est tenu dans l’hémicycle.
Veuillez trouver ci-dessous le discours de M. Schwartzenberg :
DÉBAT SUR LA GRÈCE
INTERVENTION DE ROGER-GÉRARD SCHWARTZENBERG
PRÉSIDENT DU GROUPE RRDP
ASSEMBLÉE NATIONALE – 8 JUILLET 2015
Monsieur le Premier ministre,
Pour la France, la Grèce serait-elle vraiment un pays comme un autre ? Un pays parmi d’autres ? Sans plus. Beaucoup nous indique le contraire. La statue d’Athéna, près de la façade du Palais-Bourbon. Ou ici, dans cet hémicycle, la tapisserie inspirée de Raphaël qui évoque Platon et Aristote.
L’Europe doit beaucoup à la Grèce : une civilisation, une culture et l’avènement de la démocratie. Si l’Europe veut bien se rappeler qu’elle n’est pas seulement un « marché commun » ou une union monétaire, si elle veut bien se rappeler qu’elle est d’abord un système de valeurs, alors elle ne peut concevoir d’évincer la Grèce de la zone euro.
Par ailleurs, l’Europe pourrait aussi se remémorer la Seconde Guerre mondiale, les années 1940 et le courage de la Résistance grecque, face à l’offensive italienne, puis nazie.
Alexis Tsipras
On dira : cela est bien loin du temps présent et de l’action d’Alexis Tsipras. Certes. Et sur l’actuel Premier ministre grec, l’on peut porter des appréciations diverses. Les unes critiques, les autres positives.
- Critiques, d’abord. Est-il normal de faire des promesses très excessives en campagne électorale pour accéder plus facilement au pouvoir ? Est-il normal de déclencher un référendum sans avertir ses partenaires les plus proches ? Est-il normal de ne guère évoquer certaines dérives du système grec ?
Comme le niveau très élevé des dépenses militaires : 4 % du PIB. Comme la large exonération fiscale de l’Église orthodoxe ; ou comme celle des armateurs. Sachant que ces exonérations retentissent négativement sur l’imposition des classes populaires et moyennes.
- Mais, d’un autre côté, il faut aussi reconnaître des mérites à M. Tsipras. Et d’abord la qualité de « démagogue ». Bien sûr, au sens étymologique du terme : celui qui enseigne le peuple.
Informer directement ses concitoyens, organiser une consultation référendaire, faire que le peuple décide par lui‑même de son avenir, cela s’appelle la démocratie.
Cette attitude contraste avec celle d’autres dirigeants qui se défient du référendum, cet instrument de démocratie directe qui permet au peuple d’exercer lui-même sa souveraineté. En principe.
Car, parfois, si le résultat n’est pas celui attendu, on parvient à ne pas en tenir compte.
On l’a vu avec notre référendum du 29 mai 2005, qui portait sur le Traité constitutionnel européen. 55 % des votants refusent de l’approuver. Peu importe ! Trois ans après, en 2008, le contenu de ce texte est, malgré tout, imposé aux Français, sans consultation nouvelle, par le Traité de Lisbonne. Ce déni du suffrage universel est évidemment préoccupant.
La désaffection croissante des Français pour les institutions européennes tient sans doute à ce que l’Union européenne décide parfois sans respecter leur volonté. En provoquant une certaine rupture, une certaine fracture entre le peuple et les notables, qui entendent décider à sa place.
Les partisans de l’inflexibilité
Face au référendum grec, plusieurs pays européens ont réagi avec fermeté ou inflexibilité.
L’Allemagne, d’abord, championne de l’orthodoxie budgétaire. L’Allemagne d’Angela Merkel et des chrétiens-démocrates, mais aussi l’Allemagne de Sigmar Gabriel, vice-chancelier et président du SPD, du Parti social-démocrate.
L’Allemagne a fait preuve initialement d’une rigidité très excessive, alors qu’en revanche, l’Exécutif français, s’attachait à agir comme conciliateur, comme « facilitateur », pour trouver une solution équitable et équilibrée.
En revanche, l’opposition parle ou parlait d’évincer la Grèce de la zone euro. Comme M. Giscard d’Estaing – qui fut pourtant le promoteur principal de l’admission de ce pays dans cette zone, lorsqu’il était à l’Élysée – mais qui déclare aujourd’hui : « il faut mettre la Grèce en congé de l’euro. » MM. Sarkozy, Woerth ou Juppé ont réagi pratiquement de la même manière.
Pourtant, cette sortie de la Grèce de la zone euro serait non seulement inopportune économiquement, mais encore politiquement risquée. Car se serait, pour la droite, sembler valider les thèses du Front national, qui préconise une dissolution de la zone euro.
Par ailleurs, une sortie de la Grèce comporterait beaucoup d’aléas aussi pour les autres pays de cette zone. Une telle issue risquerait d’apparaître comme une défaite collective pour la zone euro et de porter atteinte à la crédibilité de la monnaie commune. Elle risquerait de faire remonter les taux d’intérêt et de stopper la fragile reprise qui s’esquisse, avec seulement 1,2 % de croissance prévu en France pour 2015.
Il faut empêcher la zone euro et, plus largement, l’Union européenne de se défaire, de se déconstruire. La Grande-Bretagne de David Cameron – qui n’appartient pas à la zone euro – projette un référendum sur le maintien ou non de son pays dans l’Union européenne. Et d’autres pays pourraient imiter cette démarche.
Enfin, au plan géostratégique, la Grèce est la frontière de l’Europe face à la Turquie, particulièrement imprévisible sous la conduite de M. Erdogan, dont l’islamisme modéré évolue de plus en plus vers un islamisme intransigeant, au détriment de la laïcité instaurée autrefois par Kémal Ataturk.
Trouver une solution
À l’évidence, il faut trouver une solution de compromis, fondée sur des concessions réciproques de part et d’autre.
Cette solution requiert à la fois responsabilité et solidarité.
D’une part, responsabilité du gouvernement grec qui doit présenter des propositions concrètes et réalistes, comportant notamment des réformes de structure, avec une fiscalité plus équitable, avec la mise en place d’un appareil d’État plus moderne.
À cet égard, il est regrettable qu’hier soir, à Bruxelles, au Sommet de la zone euro, le gouvernement grec n’ait pas présenté de propositions nouvelles ou plus précises.
Responsabilité nécessaire de la Grèce. Mais, en même temps, solidarité de ses partenaires. Pour que les Grecs ne subissent pas une austérité accrue et des sacrifices excessifs alors que 35 % vivent sous le seuil de la pauvreté.
À l’évidence, une restructuration de la dette grecque (322 milliards d’euros, soit 177 % du PIB) est nécessaire. Même le FMI le reconnaît enfin dans une note du 2 juillet, qui déclare que ce pays a besoin d’un « allègement de sa dette de grande ampleur ».
Actuellement, parmi les principaux États de l’Eurogroupe, seules la France et l’Italie défendent activement une solution de conciliation, les autres États soutenant une ligne dure envers Athènes.
L’espérance peut succéder à l’épreuve
À travers les siècles, la plupart des peuples européens ont acquis une longue habitude des difficultés et parfois des malheurs collectifs.
Mais l’Histoire leur a aussi appris que l’espérance peut succéder à l’épreuve. Pas toujours. Pas souvent. Mais parfois.
D’ici le prochain Sommet, d’ici dimanche, il reste quatre jours. Pendant ces quatre jours, agissons pour que l’Europe et la Grèce continuent de bâtir ensemble un avenir commun.
Un avenir plus juste, plus humain, plus solidaire.
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