ENVIRONNEMENT
Un effet discret de la loi Macron qui pourrait impacter nos stations
Quel avenir pour la procédure UTN ?
Ces trois lettres sont bien connues de ceux qui suivent les dossiers d’aménagement en montagne. U comme unité, T comme touristique, N comme nouvelles. Depuis 1977, tout projet d’envergure, remontée mécanique, hébergement ou équipement touristique, suit la procédure d’autorisations UTN. Réorientés avec la loi montagne de 1985, et son esprit d’équilibre entre préservation et développement, ces dispositifs dérogatoires au droit commun permettent, via un examen collégial au sein des Comités de Massif, d’adapter au mieux l’aménagement à la spécificité des territoires.
Seulement l’article 28 de la loi dite Macron, dont l’objectif était de libérer la croissance, prévoyait la possibilité pour le gouvernement de réformer le code de l’Environnement pas ordonnance dans un souci de simplification. Il en va ainsi de la procédure UTN, dont le texte entend moderniser les procédures d’autorisation et accélérer le mouvement : « Aujourd’hui la question n’est plus tant l’aménagement de nouvelles zones que la gestion des structures existantes. Selon que le territoire sur lequel il est projeté d’implanter ces installations est couvert ou non par un document de planification, la suppression de l’autorisation d’unités touristiques nouvelles sur les grands projets d’équipements touristiques en montagne sera étudiée », précise l’article.
Réponse à l’automne
Devant la menace de l’arrêt de morts des UTN, le député PRG des Hautes-Alpes Joël Giraud s’inquiète de voir renvoyé au droit commun de l’urbanisme des projets en sites vierges actuellement analysés via le «guichet unique» des massifs : « Pourquoi modifier une procédure qui fonctionne ? Elle a permis de réorienter des dossiers mal proportionnés et d’établir un dialogue avec tous les acteurs concernés.» Et de soulever les effets pervers sur ce dispositif dérogatoire au principe de continuité de la construction. Selon les interprétations, plus ou moins tranchées, on pourrait aménager nulle part, hors village ou plus encore via les schémas de cohérence territoriale (SCOT), déjà dispensés de la procédure. La députée savoyarde Bernadette Laclais, par ailleurs chargée d’une mission sur la révision de la loi montagne, et Joël Giraud ont fait adopter un amendement permettant d’obtenir qu’un avis soit obligatoirement rendu par le Conseil National de la Montagne (CNM) sur toute ordonnance qui prévoirait une évolution des procédures “UTN”. Les deux députés restent néanmoins favorables à une simplification de la procédure, notamment dans le cas de renouvellement de matériel ou lorsque les documents d’urbanisme sont détaillés et à une échelle suffisamment large. L’avenir de la procédure UTN devrait être décidé d’ici l’automne et la prochaine réunion plénière du CNM.
Une évolution qui en montagne ne satisfait personne
Que ce soit à l’échelon départemental ou de massif, la procédure UTN impliquait une consultation des différents acteurs (élus, professionnels ou associations) en commissions. In fine, l’Etat via le préfet coordonnateur de massif (ou de département) rendait un avis à la lueur de l’expression collégiale. L’association Mountain Wilderness fait partie des commissions UTN dont elle a souvent critiqué les principes, « donnant la part belle aux aménageurs» (sic), tout en reconnaissant ses mérites : «Se priver de ces opportunités de maturation des projets serait un véritable repli sur l’air de « on est chez nous, on fait ce qu’on veut », qui signerait la fin des principes d’équilibre qui ont guidé les pères de la loi Montagne. Aussi imparfaite qu’elle soit, la procédure UTN permet échanges d’information et d’avis, voire inflexion, parfois importante, de projets, au long des débats qui accompagnent les parcours administratifs.» Du côté de Domaine Skiables de France (DSF) et des exploitants on se montre aussi inquiet. «On a appris cette initiative de l’administration au moment où l’on s’intéressait aux travaux de simplification administrative, explique Laurent Reynaud, délégué général de DSF. Aujourd’hui on ne sait pas par quoi serait remplacée la procédure, sachant qu’il existe plusieurs cas de figure entre les secteurs dotés de SCOTs et les autres. Par prudence une étude d’impact législative me semble nécessaire et nous saluons l’initiative des députés Giraud et Laclais. »
REPÈRES
DEUX TYPES D’UTN
-De massif : création ou extension de domaines skiables de plus de 100 hectares, créations ou extension d’hébergements ou d’équipements touristiques de plus de 12 000m2, mais aussi golfs, campings soumis à études d’impacts
-De département : augmentation de surface de domaines skiables de 10 à 100 hectares, hors secteurs urbanisés constructions de plus de 300m2, création, extension de refuges
Par Antoine CHANDELLIER | Publié le 19/06/2015 à 14:51
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