Point de vue
Pour en finir avec "la France a peur"
LEMONDE.FR | 29.03.11 | 09h33 • Mis à jour le 29.03.11 | 10h25
La perception positive de nos concitoyens sur l'efficacité de l'Etat républicain à prendre en compte leurs problèmes et à les résoudre s'érode. Il s'ensuit une perte de confiance dans l'idée républicaine et pour beaucoup une tendance à privilégier des solutions apparemment plus drastiques notamment proposées par les partis extrêmes de gauche comme de droite. Il n'est pas dans notre esprit d'accuser quiconque de cet état de fait même si les comportements de certains ou les commentaires des autres y participent. Notre souci est de trouver des moyens tangibles de faire si nécessaire, ré-adhérer à l'idée de la pratique républicaine et donner des preuves de son efficacité à résoudre les problèmes auxquels est confrontée la société française.
D'abord ne pas faire croire qu'elle peut tout résoudre, qu'elle est la panacée universelle mais comme le disait Winston Churchill pour la démocratie, "c'est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres". Ensuite s'attacher à envoyer des messages et à mettre en œuvre des pratiques à haute valeur symbolique ; c'est le sens de nos trois propositions. Enfin, mobiliser par l'exemple tous les républicains sincères de notre pays pour les inciter à démontrer ensemble que la République, la pratique démocratique et le comportement politique c'est autre chose que le pugilat et l'échange d'invectives.
RELÉGITIMER L'AUTORITÉ RÉPUBLICAINE
Une des raisons du "décrochement" de nos concitoyens et de leurs quêtes vers des pseudos solutions plus extrémistes tient, au sentiment "qu'on fait pas ce qu'on doit" et que "les choses ne sont plus tenues". Il existe, selon nous, une demande générale d'efficacité de l'action publique et de visibilité de celle-ci. Il n'y sera pas pallié par l'adoption de lois de circonstances ni par des promesses réitérées non suivies de résultats. Par exemple : l'insécurité. Personne de raisonnable ne pense qu'elle sera combattue par enchantement ou par incantation, ni qu'elle est totalement solutionnable (il existera toujours un niveau incompressible de délinquance) mais beaucoup de citoyens attendent des signes patents et tangibles de la volonté de l'Etat de résoudre ce problème.
Ainsi en est-il des signes extérieurs de l'autorité régalienne républicaine : présence policière, poursuite de délinquants pour ne pas laisser prospérer un sentiment d'impunité, jugement avec sanctions et effectivité des peines prononcées. Il existe une demande générale d'autorité et peut-être convient-il de rappeler que dès lors qu'elle s'exerce dans le respect des lois et par l'entremise d'agents responsables, l'autorité est légitime. La République s'incarne, au sens étymologique du terme dans ses serviteurs, il faut garantir leur respect et n'y tolérer aucun manquement.
Cela vaut pour ceux en "première ligne" : police, gendarmerie, pompiers, service de secours mais aussi pour tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, incarnent et participent à l'exercice de l'autorité républicaine : juges, enseignants et même élus. La non acceptation en cours d'un élève qui arrive en retard doit être un instrument pédagogique de l'autorité républicaine, pas l'instrument de la stigmatisation d'une difficulté sociale. La réforme des collectivités territoriales doit correspondre à une volonté de réformer harmonieusement l'action publique, pas de jeter l'anathème sur celles et ceux qui l'ont en charge : les élus locaux.
A la place d'un texte (de plus) sur ce thème, il faut à la France un Grenelle de l'autorité républicaine pour que celles et ceux qui l'ont en charge soient écoutés, que le dialogue et l'efficacité se substituent à l'incantation et au manque cruel de moyens en certains domaines.
ENSEIGNER LA LAÏCITÉ
Ce principe est consubstantiel de la République à la française et mériterait d'être gravé aux frontispices des bâtiments publiques au même titre que Liberté, Egalité, Fraternité. La France laïque est le pays où l'on sait vivre ensemble avec ses différences. La laïcité trouve, depuis peu, des adeptes nouveaux et des thuriféraires d'un nouveau style, ainsi en est-il du Front national qui n'en était pas, jusqu'à présent un des plus grands partisans. Bienvenue au club ! Mais est-ce bien de la même laïcité dont nous parlons ? La nôtre n'est pas de circonstance, ce n'est pas le moyen à la mode pour lutter contre "l'islamisme".
La nôtre n'est pas une arme contre les religions. Elle est la garantie de la liberté de conscience et de la pratique ou non d'un culte. Ce principe cardinal d'organisation de la vie en société dans notre pays s'applique à tout le monde y compris bien sur à la religion musulmane comme il s'est appliqué en son temps, parfois durement, à la religion catholique. Il n'y a aucune raison d'exception, ni d'aménagement, "d'arrangements", ni nécessité d'ajouter un qualificatif avec ce principe et ceux qui structurent la société française (mixité, égalité homme-femme, etc.).
A chacun sa sphère et la pratique d'un culte ressort de la sphère privée. S'il appartient donc aux autorités républicaines, et en particulier aux maires de les faire respecter, il apparait aussi qu'il faudrait maintenant enseigner la laïcité pour la faire comprendre et partager par le plus grand nombre. L'enseignement suppose qu'il soit réfléchi à une définition ; nous n'échapperons donc pas à une introspection préalable qui devra être conduite, dans la sérénité, par un collège le plus représentatif possible de la société française.
Nous proposons ensuite, sur ces bases, qu'un enseignement soit délivré aux élèves, au titre de l'instruction civique et qu'un livret spécifique sur sa définition de principe et ses pratiques au quotidien puisse être remis à chaque citoyen afin que la laïcité soit comprise et partagée par tous.
ETABLIR LE VOTE BLANC
La montée des votes extrémistes de gauche ou de droite aux élections est souvent le signe d'une exaspération de nos concitoyens. Il est le moyen qu'ils ont trouvé pour faire part de leur insatisfaction de l'offre politique du moment.
Cet exutoire est nécessaire et il existe un moyen simple et démocratique de le mettre en place : le vote blanc. Aujourd'hui, voter blanc n'est pas reconnu puisque non comptabilisé comme un suffrage exprimé alors qu'il en présente toutes les caractéristiques et qu'il est, par nature, différent du vote nul ou de l'abstention. Un citoyen qui fait l'effort civique d'aller voter doit être aussi reconnu qu'un autre, que se soit pour une élection nominale ou un référendum. Nous proposons que soit rapidement adoptée une loi établissant le vote blanc avec la réforme constitutionnelle que cela suppose pour l'élection du président de la République. La sagesse parlementaire se chargera de définir les limites à établir pour les conséquences de cette reconnaissance (invalidation possible d'élection si majorité de vote blanc, niveau minimum requis, etc).
Ces trois propositions nous paraissent acceptables par les élus de tous bords, elles sont "apartisanes" et ne favorisent aucun camp particulier. Elles feront l'objet d'un colloque que nous organiserons au titre de convergences radicales, au deuxième trimestre puis d'un dépôt de propositions de lois sur ces trois thèmes et que nous espérons cosignées par le plus grand nombre possible de parlementaires de tous les partis.
Elles sont donc susceptibles de recueillir la plus large majorité pour que puisse être envoyé un message d'apaisement et de concorde sur un sujet qui nous est commun : la République. Il faut en tous cas sortir la Nation de la logique qui prévaut : l'utilisation éhontée de "la France a peur" que son auteur regrettait à peine l'avait il prononcé.
Présenter un remaniement ministériel contraint comme un rempart contre les désordres extérieurs (qui sont aussi des aspirations démocratiques), tenter une pitoyable médiatisation sur le port de Lampedusa pour dénoncer l'immigration, utiliser sans la moindre empathie la tragédie japonaise pour détourner à son profit le nécessaire débat sur l'énergie, user et abuser, lorsque l'on est le premier parti d'opposition ,de sa parole à de trop nombreuses attaques ad hominem, tout cela démontre les ressorts d'une vie politique qui a parfois tendance à oublier la notion de République. Soyons ensemble les artisans d'une "République retrouvée".
Joël Giraud et Thierry Cornillet sont aussi co-président de Convergences radicales.
Joël Giraud, député radical de gauche des Hautes-Alpes et Thierry Cornillet, ancien président national du Parti radical
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