L’Assemblée nationale puis le Sénat ont tenu à rendre hommage cette semaine à Lucien Neuwirth, député gaulliste de la Loire, père de la loi votée en 1967 sur « la régulation des naissances ».
Au côté d’associations militantes pour les droits des femmes, dont le Planning Familial, le parlementaire réussissait le tour de force de convaincre (une partie de) son camp, avec lui l’opposition, pour faire passer cette loi qui brisait un tabou. Depuis 1920, la diffusion, la vente ou l’utilisation de moyens de contraception était prohibées.
En permettant aux femmes et aux couples d’accéder à la contraception -notamment orale-, la loi Neuwirth a été une première étape vers le droit des femmes à disposer de leurs corps et ainsi leur permettre une plus grande liberté et une plus grande autonomie sociale et professionnelle. Même si le chemin ne fut pas facile dans les années suivantes, la loi permettant le remboursement de la contraception, la loi Veil -dont M. Neuwirth fut rapporteur- dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse, puis sa généralisation et son remboursement quelques années plus tard, représentent des grands acquis du XXème siècle pour les droits des femmes.
Mise en place des centres de planification
La loi Neuwirth a également été à l’origine de la création des centres de planification qui garantissent sur tout le territoire, à toutes et tous, gratuité et confidentialité et qui s’avèrent toujours nécessaires pour l’accès à l’information et à la contraception, notamment pour des jeunes et les personnes en situation de précarité.
Marquer ce 50ème anniversaire est aussi pour nous toutes et tous l’occasion de rester mobilisé.e.s pour faire baisser le nombre de femmes dans le monde qui n’ont pas accès à des moyens de contraception, ni à des services de planification familiale. Plus près de chez nous, nous voyons bien comment des tendances sont à l’œuvre en France ou de l’autre côté de l’Atlantique, qui risquent de fragiliser cette émancipation. Plusieurs mesures ont été prises dans ce sens depuis 5 ans : accès gratuit et confidentiel pour les mineures, gratuité de la pilule du lendemain à l’université, création d’un site officiel d’informations neutres sur la contraception (http://choisirsacontraception.fr/), et d’une plate-forme d’information sur l’IVG (http://www.ivg.social-sante.gouv.fr/), ou encore suppression de la notion de « détresse » dans les conditions de recours à l’IVG ou l’obligation d’un délai minimal de réflexion d’une semaine.
Plus récemment, les débats, ou plutôt l’incompréhension voire les polémiques et les postures caricaturales, ont porté sur la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’IVG au domaine numérique. Visant initialement, en 1990, à lutter contre les groupes extrémistes qui bloquaient physiquement des établissements et des centres de planification, le texte actuel, examiné au Parlement depuis cet automne et dont la lecture définitive se tiendra ce jeudi 16 février à l’Assemblée nationale- est d’adapter ces dispositions au contexte actuel, 25 ans après, marqué par l’essor d’Internet, et en particulier des réseaux sociaux. Cette loi a pour objectif d’aider à discerner sur le net informations objectives, neutres, de celles qui sont « de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ».
Retour vers le passé ?
Au-delà des controverses portant au final sur un volet bien précis, il me semble que l’accès à la contraception pour toutes les femmes, et les hommes, nécessite une prise en charge plus globale. Les actions de prévention, l’éducation dans ce domaine -sujet particulièrement complexe-, les campagnes de communication au plan national, la diffusion de l’information sont les leviers prioritaires pour agir dans ce domaine. Et à cet égard l’action des associations et des centres de planification est indispensable. Les décisions prises ces dernières années par plusieurs collectivités de baisser les subventions à ces structures, de supprimer les Pass « contraception » qui représentaient dans plusieurs régions des avancées énormes pour toucher le plus grand nombre de jeunes, sont évidemment des signes de régression dans la lutte constante à mener pour l’émancipation des femmes et la prévention en santé des adolescent.e.s et jeunes adultes.
⇒ Le dossier spécial sur le site de l’Assemblée nationale consacré aux 50 ans de la loi Neuwirth
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